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Genève : la société STRATEGOS GROUP LLC condamnée par le Tribunal arbitral à verser à la société SPINEWAY SA la somme en principal de EUR 4'160'000 outre intérêts au taux légal

La fraude fiscale, l'abus de confiance, l'escroquerie etc. La face cachée de l'iceberg est dévoilée au fil des jours par la justice à travers le monde. Hier condamnée par la justice marocaine pour fraude fiscale, la société STRATEGOS GROUP LLC appartenant à Luc Gérard Nyafé est à nouveau trempée dans les sales traps. La firme de l'homme d'affaires d'origine congolaise a perdu le procès dans le litige qui l'opposait à la société SPINEWAY SA devant le Tribunal arbitral international de commerce à Genève, en Suisse. Le Tribunal arbitral a condamné la société STRATEGOS GROUP LLC à verser à la société SPINEWAY SA la somme en principal de EUR 4'160'000.- (quatre millions cent soixante mille euros), outre intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2019. Le Tremplin vous propose de prendre connaissance du jugement entier dans ce document de justice :


Audience du 7 Audience d’audition de témoins, d'administration des preuves

septembre 2021 et de plaidoiries finales du 7 septembre 2021

Avenant n° 1 Avenant numéro un à la promesse synallagmatique de vente et d'achat sous conditions suspensives assortie d'une promesse unilatérale de vente conclue le 19 mars 2019, du 3 mai 2019

Avenant n° 2 Avenant numéro deux à la promesse synallagmatique de vente et d'achat sous conditions suspensives assortie d'une promesse unilatérale de vente conclue le 19 mars 2019, du 16 mai 2019

CCfr. Code civil français

Cedant Strategos Group LLC (= Défenderesse)

Cessionnaire Spineway SA (= Demanderesse)

P. CHABERT Philippe Chabert, Directeur des opérations de la Demanderesse (durant la période pertinente pour la présente procédure)

Conclusions de la Conclusions déposées par la Demanderesse lors de l'Audience

Demanderesse du 7 septembre 2021 du 7 septembre 2021 (act. 31c)

Contrat Promesse synallagmatique de vente et d'achat sous conditions suspensives assortie d'une promesse unilatérale de vente du 19 mars 2019 conclue entre la Défenderesse en qualité de cédant et de garant et la Demanderesse en qualité de cessionnaire (Pièce Dem-5)

Cour Cour d'arbitrage du Swiss Arbitration Centre

Défenderesse Strategos Group LLC

Demanderesse Spineway SA

Demande Mémoire de demande du 20 avril 2021 de la Demanderesse

Demande d'arbitrage Cf. Notification d'arbitrage

Dem-Etat de frais État de frais rectificatif de la Demanderesse du 30 septembre

rectificatif 2021

dir. directeur(s)

éd. éditeur(s)

ég. également

Expertise Nourissat Rapport d'expertise du Prof. Cyril Nourissat du 6 avril 2021 (EXP Nourissat)

(le) Fonds Fonds de titrisation luxembourgeois NATIONAL CLINICS, devenu ensuite INTEGRAL MEDICAL SOLUTIONS FUND (cf. précision dans l'Avenant n° 2)

i.f. in fine

LDIP Loi fédérale (suisse) sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (RS 291)

L. GERARD Luc Gérard Nyafe, représentant de la Défenderesse

F. LAUCK Florence Lauck, responsable qualité et affaires réglementaires en charge du service clinique de la Demanderesse durant la période pertinente pour la présente procédure

NCC National Clinics Centenario ou National Clinics Columbia SAS

Notification d'arbitrage Demande d'arbitrage [=notification d'arbitrage] du 14

septembre 2020 de la Demanderesse

OP n° [...] Ordonnance de procédure no [...]

Pièce Dem-[...] Pièce déposée par la Demanderesse no [...]

Pièce DemL-[...] Source juridique no [...] déposée par la Demanderesse

Plaidoiries finales Plaidoiries finales du 7 septembre 2021

PV Procès-verbal

PV-[norn] PV de l'audition de [nom] lors de l'Audience du 7 septembre 2021

Règlement d'arbitrage Règlement suisse d'arbitrage international dans sa version de juin 2012

RSP Règles spécifiques de procédure, contenues dans l'OP n° 1 du 2 mars 2021

S. LE ROUX Stéphane Le Roux, président et représentant de la Demanderesse

Secrétariat Secrétariat du Swiss Arbitration Centre

D. SIEGRIST David Siegrist, directeur financier de la Demanderesse (durant la période pertinente pour la présente procédure)

spéc. spécialement

Verbatim Verbatim de l'audience du 7 septembre 2021, finalisé et revu tant par les Parties que par le Tribunal arbitral

II. Introduction

A. Parties

1. Demanderesse

1.

La Demanderesse est : Spineway SA1.

2.

L'adresse de la Demanderesse est :

7, Allée du Moulin Berger

Bâtiment 7

69130 Ecully

France


3.

La Demanderesse est représentée par ses Conseils :

Me Romain Canonica, av.

Me Edouard Bertrand, av.

Canonica Valticos de Preux + Associés

15, rue Pierre Fatio

1204 Genève

Suisse

rcanonica@cvpartners.ch

ebertrand@lamy-lexel.com


2. Défenderesse

4.

La Défenderesse est : Strategos Group LLC2.

5.

L'adresse de la Défenderesse est :

2701 Centerville Road

Wilmington

DE 19808

USA


6.

La Défenderesse est représentée par :

Monsieur Luc Gérard

Carrera 2 # 11-7

Bogota

Colombie

luc.gerard@tribeca.com.co


B. Tribunal arbitral

7.

Le Tribunal arbitral est composé de l'Arbitre unique :

Prof. Biaise Carron, avocat

Dufourstrasse 33

3005 Berne

Suisse

Email : blaise.carron@unine.ch

Tel : +41 79 567 77 92


C. Objet du Litige - Synthèse

8.

Le litige trouve sa source dans la « Promesse synallagmatique de vente et d'achat sous conditions suspensives assortie d'une promesse unilatérale de vente » du 19 mars 2019 conclue entre la Défenderesse en qualité de Cédant et de Garant et la Demanderesse en qualité de Cessionnaire (ci-après : le Contrat)3.


9.

Il a pour objet une prétention principale de la Demanderesse visant à constater/prononcer la résolution du Contrat et de ses avenants en application de l'article 3.4 du Contrat et à condamner la Défenderesse à verser à la Demanderesse la somme en principal de EUR 4'160’000.- au titre du prix partiel versé en exécution du Contrat et de ses avenants, outre intérêts au taux légal, contre l'engagement de restituer l'intégralité des parts A et B du Fonds dans un délai d'un mois après avoir reçu les sommes susmentionnées, ainsi qu'à condamner la Défenderesse à verser à la Demanderesse la somme de EUR 252'239.21 correspondant aux frais exposés par la Demanderesse pour la négociation du Contrat, sa conclusion ainsi que pour la réalisation des audits4.

10.

La présente procédure est particulière en ce sens que la Défenderesse, bien que régulièrement citée et invitée à réitérées reprises à participer activement à la procédure arbitrale, ne l'a pas fait et est demeurée silencieuse et passive tout au long de la procédure.

D. Convention d'arbitrage et compétence du Tribunal arbitral

11.

Le Contrat contient la clause arbitrale suivante:

« 10.2 Tous différends découlant de la présente Promesse ou en relation avec celle-ci seront tranchés définitivement suivant le Règlement de Conciliation et d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale de Genève par un (1) arbitre nommé conformément à ce Règlement (cet arbitre étant ci-après désigné le « Tribunal Arbitral ») »5.


12.

Cette clause devra être interprétée afin de déterminer si le Tribunal arbitral est compétent pour trancher ce litige (infra N 126 ss).

E. Siège et langue de l'arbitrage, droit de procédure applicable

13.

Conformément à l'art. 10.2 du Contrat, 2ème paragraphe, le « Tribunal Arbitral sera constitué à Genève (Suisse) [...] »6.

14.

Par conséquent, le siège du Tribunal arbitral est à Genève, Suisse.

15.

Conformément à l'art. 10.2 du Contrat, 2ème paragraphe, « l'arbitrage aura lieu en langue française ».

16.

La langue de l'arbitrage est donc le français.

17.

Quant aux règles de procédure applicables, l'art. 10.2 du Contrat prévoit que « [t]ous différends découlant de la présente Promesse ou en relation avec celle-ci seront tranchés définitivement suivant le Règlement de Conciliation et d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale de Genève [...] »7. Vu que le siège du tribunal arbitral se trouve en Suisse et qu'aucune des parties à la convention d'arbitrage n'avait, au moment de la conclusion de celle-ci son siège en Suisse, vu l'interprétation faite de la convention d'arbitrage (infra N 126 ss), les règles applicables sont donc les suivantes :

(i) l'Ordonnance de procédure n° 1 (ci-après : OP n° 1) concernant les règles spécifiques de procédure de 2 mars 2021 (ci-après : RSP);


(ii) le Règlement suisse d'arbitrage international dans sa version de juin 2012 (ci-après : Règlement d'arbitrage);


(iii) le chapitre 12 (art. 176 ss) de la Loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (ci-après : LDIP).


F. Droit de fond applicable

18.

Conformément à l'art. 10.2 du Contrat, 3ème paragraphe, le « Tribunal Arbitral devra trancher le litige en application du droit français »8.

19.

Par conséquent, le droit de fond applicable est le droit français.

III. Conclusions des parties

A. Conclusions de la Demanderesse

20.

Dans la « Demande d'arbitrage » du 14 septembre 2020 (ci-après : la Notification d'arbitrage), la Demanderesse a pris les conclusions suivantes9 :

« Vu le règlement d'arbitrage,


Vu les articles 1304, 1304-2, 1304-3, 1304-7 1353-6 et 1353-7 du Code civil français,


Vu la jurisprudence citée,


Vu les pièces versées aux débats,


• DIRE et JUGER qu'aucun accord de partenariat n'a été conclu entre la société SPINEWAY et la société STRATEGOS GROUP LLC avant le 19 septembre 2019;


• PRONONCER la résolution de la promesse synallagmatique de vente d'achat du 19 mars 2019, de son avenant n°1 du 3 mai 2019 et de son avenant n°2 du 16 mai 2019 en application de la condition résolutoire prévue par l'article 3.4 de la promesse, laissée inchangée par les deux avenants ;


• CONDAMNER la société STRATEGOS GROUP LLC à verser à la société SPINEWAY la somme en principal de 4.160.000 €, au titre du prix partiel versé en exécution de la promesse et de ses avenants, outre intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2019, date d'accomplissement de la condition résolutoire;


• DONNER ACTE à la société SPINEWAY qu'elle s'engage à signer les ordres de mouvements de titres afin de restituer à la société STRATEGOS GROUP LLC l'intégralité des parts A et des parts B du fonds Integral Medical Solutions Fund, et ce dans un délai d'un mois après avoir reçu l'intégralité de la somme de 4.160.000 €, outre intérêts au taux légal ;


• CONDAMNER la société STRATEGOS GROUP LLC à verser à la société SPINEWAY la somme de 252.329,21 € correspondant aux frais exposés par la société SPINEWAY pour la négociation de la promesse, sa conclusion ainsi que pour la réalisation des audits ;


• CONDAMNER la société STRATEGOS GROUP LLC à prendre à sa charge l'intégralité des coûts de l'arbitrage, y compris les honoraires et/ou débours dus à l'Association des Chambres de commerces suisses pour l'arbitrage et la médiation et au Tribunal arbitral ;


• CONDAMNER la société STRATEGOS GROUP LLC à prendre à sa charge les honoraires des conseils de la société SPINEWAY à hauteur de 120000 € HT, sujet à un éventuel ajustement ou complément. »


21.

Dans son mémoire de demande du 20 avril 2021 (ci-après : la Demande), la Demanderesse a pris les conclusions suivantes10 :

« Vu le Règlement,


Vu l'ordonnance de procédure n°1 du 2 mars 2021


Vu les articles 1304, 1304-2, 1304-3, 1304-7 1352-6 et 1352-7 du Code civil français,


Vu la jurisprudence citée,


Vu les pièces, déclarations écrites et rapports d'expertise versés aux débats,


• DIRE et JUGER qu'aucun accord de partenariat n'a été conclu entre la société SPINEWAY et la société STRATEGOS GROUP LLC avant le 19 septembre 2019;


• PRONONCER la résolution de la promesse synallagmatique de vente d'achat du 19 mars 2019, de son avenant n°l du 3 mai 2019 et de son avenant n°2 du 16 mai 2019, en application de la condition résolutoire prévue par l'article 3.4 de la promesse, laissée inchangée par les deux avenants ;


• CONDAMNER la société STRATEGOS GROUP LLC à verser à la société SPINEWAY la somme en principal de 4.160.000 € (quatre millions cent soixante mille euros), au titre du prix partiel versé en exécution de la promesse et de ses avenants, outre intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2019, date d'accomplissement de la condition résolutoire ;


• DONNER ACTE à la société SPINEWAY qu'elle s'engage à signer les ordres de mouvements de titres afin de restituer à la société STRATEGOS GROUP LLC l'intégralité des parts A et des parts B du fonds Integral Medical Solutions Fund, et ce dans un délai d'un mois après avoir reçu l'intégralité de la somme de 4.160.000 € (quatre millions cent soixante mille euros), outre intérêts au taux légal ;


• CONDAMNER la société STRATEGOS GROUP LLC à verser à la société SPINEWAY la somme de 252.329,21 € [deux cent cinquante [sic] mille trois cent vingt-neuf euros et vingt et un centimes] outre la TVA pour les factures assujetties à cette taxe, correspondant aux frais exposés par la société SPINEWAY pour la négociation de la promesse, sa conclusion ainsi que pour la réalisation des audits ;


• CONDAMNER la société STRATEGOS GROUP LLC au paiement de l'intégralité des coûts de l'arbitrage, y compris les honoraires et/ou débours dus à Swiss Chambers' Arbitration Institution et au Tribunal arbitral et avancés par la société SPINEWAY ;


• CONDAMNER la société STRATEGOS GROUP LLC au paiement tous les frais de ta société SPINEWAY en lien avec la présente procédure arbitrale, ainsi que les honoraires des conseils de la société SPINEWAY. »


22.

Lors de sa plaidoirie finale du 7 septembre 2021 (ci-après : Plaidoiries finales) et conformément au ch. 16 s. de l'OP n° 3 la Demanderesse a déposé, sous forme de document écrit, les conclusions suivantes11 :

« Vu le Règlement,


Vu les articles 1304, 1304-2, 1304-3, 1304-7 1352-6 et 1352-7 du Code civil français,


Vu la jurisprudence citée,


Vu les pièces, déclarations écrites et rapports d'expertise,


• DIRE et JUGER qu'aucun accord de partenariat n'a été conclu entre la société SPINEWAY et la société STRATEGOS GROUP LLC (avant le 19 septembre 2019);


• CONSTATER ET/OU PRONONCER la résolution de la promesse synallagmatique de vente d’achat du 19 mars 2019, de son avenant n°1 du 3 mai 2019 et de son avenant n°2 du 16 mai 2019, en application de l'article 3.4 de la promesse, laissée inchangée par les deux avenants ;


• CONDAMNER la société STRATEGOS GROUP LLC à verser à la société SPINEWAY la somme en principal de 4.160.000 € (quatre millions cent soixante mille euros), au titre du prix partiel versé en exécution de la promesse et de ses avenants, outre intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2019, date d'accomplissement de la clause/condition résolutoire ;


• DONNER ACTE à la société SPINEWAY qu'elle s'engage à signer les ordres de mouvements de titres afin de restituer à la société STRATEGOS GROUP LLC l'intégralité des parts A et des parts B du fonds Integral Medical Solutions Fund, et ce dans un délai d'un mois après avoir reçu l'intégralité de la somme de 4.160.000 € (quatre millions cent soixante mille euros), outre intérêts au taux légal ;


• CONDAMNER la société STRATEGOS GROUP LLC à verser à la société SPINEWAY la somme de 252.329,21 € [deux cent cinquante mille [sic] trois cent vingt-neuf euros et vingt et un centimes] outre la TVA pour les factures assujetties à cette taxe, correspondant aux frais exposés par la société SPINEWAY pour la négociation de la promesse, sa conclusion ainsi que pour la réalisation des audits ;


• CONDAMNER la société STRATEGOS GROUP LLC au paiement de l'intégralité des coûts de l'arbitrage, y compris les honoraires et/ou débours dus à Swiss Chambers' Arbitration Institution et au Tribunal arbitral et avancés par la société SPINEWAY;


• CONDAMNER la société STRATEGOS GROUP LLC au paiement tous les frais [sic] de la société SPINEWAY en lien avec la présente procédure arbitrale, ainsi que les honoraires des conseils de la société SPINEWAY. »


23.

Le 30 septembre 2021, lors du dépôt de l'état de frais rectificatif, à la suite d'une note d'honoraires et de frais modifiée provenant de la sténotypiste, la Demanderesse a déposé des conclusions en matière de frais et honoraires en demandant qu’il12 :

« Plaise au Tribunal arbitral


- Condamner la société Strategos Group LLC à payer à la société Spineway SA les montants de CHF 23'424.70 (ou la contrevaleur, soit EUR 21'480.45) et EUR 110'857.06 (ou la contrevaleur, soit CHF 122'345.17) à titre de frais et honoraires ; et


- Condamner la société Strategos Group LLC à payer à la société Spineway SA le montant de CHF 128'000.- (ou la contrevaleur, soit EUR 117'376.--) à titre d'honoraires et/ou débours de la Swiss Chambers' Arbitration Institution et du Tribunal arbitral et avancés par la société Spineway SA. »


B. Conclusions de la Défenderesse

24.

La Défenderesse, qui a fait défaut tout au long de la procédure, n'a pas pris de conclusions.

IV. Histoire procédurale

25.

La procédure arbitrale a été initiée et s'est déroulée chronologiquement de la manière suivante.

26.

Le 14 septembre 2020, la Demanderesse a adressé une notification d'arbitrage (ci-après : Notification d'arbitrage) - intitulée « Demande d'arbitrage » et accompagnée de 35 pièces - au Swiss Arbitration Centre (appelé, jusqu'au 1er juin 2021, Swiss Chambers' Arbitration Institution - SCAI ; pour la clarté du propos, la sentence utilise uniformément la désignation du successeur juridique actuellement actif : « Swiss Arbitration Centre »).

27.

Le 15 septembre 2020, le secrétariat du Swiss Arbitration Centre (ci-après : le Secrétariat) a accusé réception de la Notification d'arbitrage et a envoyé celle-ci par coursier à la Défenderesse avec son chargé de pièces, en lui fixant un délai de 30 jours pour soumettre une réponse à la Notification d'arbitrage ; le Secrétariat a également fixé un délai de 30 jours aux parties pour désigner conjointement un arbitre unique. L’envoi par coursier a été remis à la Défenderesse le 17 septembre 2020.

28.

Le 27 octobre 2020, n'ayant pas reçu de réponse de la part de la Défenderesse et en l'absence d'une désignation conjointe d'un arbitre unique, le Secrétariat a informé les Parties qu'en application de l'art. 3(12) du Règlement d'arbitrage, il allait saisir la Cour d'arbitrage (ci-après : la Cour) pour décision à propos de l'administration de la procédure et pour la nomination de l'arbitre unique conformément à l'art. 7(3) du Règlement d'arbitrage.

29.

Le 6 novembre 2020, le Secrétariat a informé que la Cour avait décidé d'administrer la présente procédure et allait procéder à la nomination de l'arbitre unique et a invité la Demanderesse à verser une avance provisoire de CHF 10'000.-.

30.

Le 27 novembre 2020, le Swiss Arbitration Centre a accusé réception du paiement de l'avance de CHF 9'994.-, a informé les Parties que la Cour avait nommé l'Arbitre unique, et que le dossier avait été transmis à celui-ci.

31.

Le 1er décembre 2020, le Tribunal arbitral a adressé un premier courriel aux Parties en leur décrivant les prochaines étapes de la procédure et en leur demandant d'en accuser réception. La Demanderesse a accusé réception le lendemain, au contraire de la Défenderesse qui n'a jamais accusé réception.

32.

Le 10 décembre 2020, le Tribunal arbitral a fixé par courrier un délai pour le versement d'une avance de frais, répartie à hauteur de 50% par partie. Le courrier en question a été adressé par courriel aux représentants des deux parties, soit Me Canonica et Me Bertrand pour la Demanderesse (rcanonica@cvpartners.ch et ebertrand@lamy-lexel.com) et à M. Luc Gérard pour la Défenderesse (luc.gerard@)tribeca.com.co). Le serveur de l'adresse électronique utilisée pour la Défenderesse a accusé réception du courriel. En outre, pour s'assurer de la réception par la Défenderesse, le courrier a également été adressé par coursier à l'adresse de la Défenderesse (2701 Centerville Road, Wilmington, 19808 Delaware, USA). L'envoi par coursier était accompagné d'un courrier explicatif en anglais spécifiant que les documents annexés relevaient d'une procédure d'arbitrage en cours, ceci afin de permettre le traitement du document par le secrétariat de la Défenderesse, au cas où celui-ci ne maîtriserait pas le français. Le système Track&Trace du coursier a confirmé la remise du courrier le 14 décembre 2020. Sauf mention expresse, ce système de notification (courriel aux deux parties et envoi par coursier à la Défenderesse) a été utilisé pour toutes les communications adressées par le Tribunal arbitral aux Parties.

33.

Le 11 décembre 2020, le Tribunal arbitral a reçu le montant de CHF 9'970.84 de la part du Swiss Arbitration Centre.

34.

Le 23 décembre 2020, le Tribunal arbitral a reçu le montant de CHF 51'000.- de la part de la Demanderesse.

35.

Le 28 décembre 2020, le Tribunal arbitral a accusé réception de la part de l’avance de frais de la Demanderesse.

36.

Le 4 janvier 2021, faute de paiement de la part de l'avance de frais par la Défenderesse, le Tribunal arbitral a fixé un délai pour le paiement du solde de l'avance de frais.

37.

Le 28 janvier 2021, le Tribunal arbitral a reçu le montant de CHF 60’994.- de la part de la Demanderesse.

38.

Le 29 janvier 2021, le Tribunal arbitral a accusé réception du solde de l'avance de frais.

39.

Le 4 février 2021, le Tribunal arbitral a invité les Parties à se déterminer sur la conférence d'organisation de la procédure et sur le projet d'OP n° 1 concernant les RSP. Dans le même courrier, le Tribunal arbitral a précisé que le non-paiement de l'avance de frais n'empêchait pas la Défenderesse de participer à la procédure et a expressément invité celle-ci à le faire. Cette invitation à participer à là procédure adressée à la Défenderesse a généralement été répétée dans les courriers formels adressés aux Parties.

40.

Le 18 février 2021, la Demanderesse s'est déterminée dans le délai imparti par le Tribunal arbitral. La Défenderesse ne s'est pas déterminée.

41.

Le 22 février 2021, le Tribunal arbitral a précisé les modalités de la séance d'organisation de la procédure en remettant un projet révisé d'OP n° 1 concernant les RSP et de calendrier prévisionnel ainsi qu'un projet d'ordre du jour, invitant les Parties à se déterminer à ce sujet.

42.

Le 25 février 2021, la Demanderesse s'est déterminée par courriel. La Défenderesse ne s'est jamais déterminée.

43.

Le 1er mars 2021 a eu lieu, par visioconférence, la séance d'organisation de la procédure. La Défenderesse n'a pas participé à la séance d'organisation de la procédure.

44.

Le 2 mars 2021, le Tribunal arbitral a adressé, par courriel uniquement, le procès-verbal de la séance d'organisation de la procédure aux Parties, leur fixant un délai au 12 mars 2021 pour faire part d'éventuels commentaires. Les Parties n'ont pas adressé de commentaire.

45.

Le 3 mars 2021, le Tribunal arbitral a adressé aux Parties l'OP n° 1 concernant les RSP, ainsi que le calendrier prévisionnel de la procédure. L'envoi par coursier à la Défenderesse contenait également le procès-verbal de la séance d'organisation de la procédure.

46.

Le 14 mars 2021, le Tribunal arbitral a communiqué au Swiss Arbitration Centre l'OP n° 1 concernant les RSP, le calendrier prévisionnel de la procédure ainsi que le PV de la séance d'organisation de la procédure.

47.

Le 20 avril 2021, la Demanderesse a envoyé, par courriel et par coursier, son mémoire de demande (ci-après : la Demande), accompagné de 32 pièces (Pièces Dem-1 à Dem-32), de quatre témoignages écrits, d'un rapport d'expertise du Prof. Nourissat (ci-après : l'Expertise Nourissat) et de neuf sources juridiques (Pièces DemL-1 à DemL-9).

48.

Le 21 avril 2021, la Demanderesse a renvoyé par recommandé la Demande au Tribunal arbitral, car le département de sécurité du coursier avait bloqué l'envoi à destination du Tribunal arbitral.

49.

Le 25 avril 2021, le Tribunal arbitral a accusé réception de la Demande par courriel et a rappelé que la Défenderesse devait déposer son mémoire de réponse d'ici au 7 juin 2021 ; le Tribunal arbitral a également invité la Défenderesse à se déterminer, dans son mémoire de réponse, sur la requête de production de document figurant dans la Demande.

50.

Le 27 avril 2021, la Demanderesse a remis au Tribunal arbitral la copie du bordereau du coursier ainsi que le suivi du tracking du coursier démontrant la remise de la Demande à la Défenderesse.

51.

Le 7 juin 2021, date fixée dans le calendrier prévisionnel pour l'envoi du mémoire de réponse par la Défenderesse, celle-ci n'a pas remis son mémoire de réponse.

52.

Le 7 juin 2021 également, le Swiss Arbitration Centre a informé les Parties, avec copie au Tribunal arbitral, que la Swiss Chambers' Arbitration Institution (SCAI) avait été transformée en une société anonyme et rebaptisée Swiss Arbitration Centre SA et que la procédure restait administrée selon le Règlement d'arbitrage.

53.

Le 13 juin 2021, respectivement le 14 juin 2021 pour l'envoi par coursier, se fondant sur l'art. 28 du Règlement d'arbitrage, le Tribunal arbitral a notifié l'OP n° 2 du 10 juin 2021 qui ordonne la poursuite de la procédure, adapte le calendrier prévisionnel en fixant un premier délai au 30 juin 2021 aux Parties pour requérir d'éventuelles mesures d'instruction et un second délai au 30 juin 2021 à la Défenderesse pour produire le document dont la production avait été requise par la Demanderesse ou pour se déterminer sur cette requête de production.

54.

Le 30 juin 2021, la Demanderesse s'est déterminée quant aux mesures d'instruction complémentaires. La Défenderesse ne s'est pas déterminée dans le délai fixé et n'a pas produit le document requis par la Demanderesse.

55.

Le 2 juillet 2021, le Tribunal arbitral a adressé un projet d'ordre du jour pour la séance d'organisation de la procédure, en fixant un délai aux Parties pour se déterminer à ce sujet.

56.

Le 9 juillet 2021, conformément au calendrier prévisionnel, une séance d'organisation de la suite de la procédure a eu lieu par visioconférence. La Demanderesse y a participé, la Défenderesse n'y a pas participé. Il existe un procès-verbal de la séance, remis aux Parties le 13 juillet 2021. Lors de cette séance, le Tribunal arbitral a fixé aux Parties un délai au 19 juillet 2021 pour se déterminer sur plusieurs questions relatives notamment à la notification des actes de procédure à la Défenderesse, aux mesures d'instruction devant avoir lieu lors de l'audience des 7-8 septembre 2021, ainsi qu'au contenu du procès-verbal.

57.

Le 19 juillet 2021, la Demanderesse s'est déterminée sur les sujets mentionnés au paragraphe précédent. La Défenderesse ne s'est pas déterminée.

58.

Le 3 août 2021, le Tribunal arbitral a remis aux Parties un projet d'OP n° 3 concernant les directives d'audience, un projet d'OP n° 4 concernant les notifications additionnelles du dossier à la Défenderesse, une offre pour des services de sténotypie, ainsi qu'un échange de courriels avec le coursier. Il a fixé aux Parties un délai au 13 août 2021 pour se déterminer.

59.

Le 5 août 2021, la Demanderesse s'est déterminée sur les sujets mentionnés au paragraphe précédent. La Défenderesse ne s'est pas déterminée.

60.

Le 16 août 2021, le Tribunal arbitral a notifié aux Parties l'OP n° 3 concernant les directives d'audience (ci-après : OP n° 3) ainsi que l'OP n° 4 concernant les notifications additionnelles du dossier à la Défenderesse (ci-après : OP n° 4). Cette dernière ordonnance visait à tenter d'obtenir la participation de la Défenderesse en lui notifiant le dossier non seulement à son siège social en précisant l'identité de son « registered agent » mais aussi à l'adresse de son représentant en Colombie.

61.

Le 7 septembre 2021 s'est tenue l'audience d'audition de témoins, d'administration des preuves et de plaidoiries finales (ci-après : l'Audience du 7 septembre 2021) à l'Hôtel Métropole, Quai Général-Guisan 23, 1204 Genève. L'audience a fait l'objet d'un Verbatim qui fait partie du dossier13. Lors de cette audience, le Tribunal arbitral a prononcé la clôture de l'administration, à l'exception des éléments devant être encore échangés, notamment pour les frais et dépens14.

62.

Lors de l'audience du 7 septembre 2021, le Tribunal arbitral a invité les Parties à communiquer leurs états des frais en fixant un délai à cette fin. La Demanderesse s'est déterminée le 21 septembre 2021, puis a rectifié son état des frais le 30 septembre 2021, alors que la Défenderesse ne s'est pas déterminée.

63.

Le 21 septembre 2021, la Demanderesse a requis une prolongation de délai pour communiquer une version non tronquée des sources juridiques utilisées dans l'Expertise Nourissat et réclamée par le Tribunal arbitral lors de l'Audience du 7 septembre 2021. Le Tribunal arbitral a admis la requête.

64.

Le 27 septembre 2021, la Demanderesse a remis une version plus lisible des sources juridiques utilisées dans l'Expertise Nourissat.

65.

Le 28 septembre 2021, le verbatim de l'audience du 7 septembre 2021, finalisé et revu tant par les Parties que par le Tribunal arbitral, a été communiqué aux Parties.

66.

Le 30 septembre 2021, la Demanderesse a remis un état de frais rectificatif, à la suite d'une note d'honoraires et de frais modifiée provenant de la sténotypiste.

67.

Le 5 octobre 2021, la Demanderesse a confirmé n'avoir aucun commentaire sur le transcript de l'audience du 7 septembre 2021.

68.

Le 28 octobre 2021, le Tribunal arbitral a notifié aux Parties l'OP n° 5 concernant la clôture de la procédure (ci-après : OP n° 5), dans laquelle il a prononcé la clôture des débats conformément à l'art. 29 al. 1 du Règlement d'arbitrage et au ch. 13 de l'OP n° 1.

69.

Le 27 décembre 2021, le Tribunal arbitral a soumis le projet de sentence au Secrétariat du Swiss Arbitration Centre conformément à l'art. 40 al. 4 du Règlement d'arbitrage.

70.

Le 14 janvier 2022, le Secrétariat a informé le Tribunal arbitral de la position de la Cour et a invité le Tribunal arbitral à lui faire parvenir un original de la sentence, conformément à l'art. 32 al. 6 du Règlement d'arbitrage.

V. Faits et positions des parties

71.

Le Tribunal arbitral a pris connaissance de l’intégralité du dossier, y compris mais pas uniquement des écritures, des pièces, des témoignages écrits, de l'expertise, du procès-verbal de l'Audience du 7 septembre 2021 qui comprend les plaidoiries finales, des états de coûts. La sentence arbitrale ne citera pas nécessairement tous les documents consultés par le Tribunal arbitral mais s'appuiera sur ceux ayant permis de trancher le litige.

72.

Cette section résume, dans un ordre chronologique, les principaux faits pertinents. Dans la mesure où des faits sont contestés, nécessitent une discussion particulière ou sont pertinents pour un aspect particulier de la discussion et de la décision du Tribunal arbitral, ils seront mentionnés spécifiquement ou répétés dans la section consacrée à la discussion juridique (infra N 126 ss).

A. Personnes/Entités impliquées

73.

SPINEWAY SA est la Demanderesse. Il s'agit d'une société anonyme à conseil d'administration de droit français, fondée en 2005, dont le siège est à Ecully (France), qui a pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation, en France et dans le monde, de gammes d'implants et d'ancillaires chirurgicales destinées à traiter les pathologies de la colonne vertébrale15.

74.

STRATEGOS GROUP est la Défenderesse. Il s'agit d'une société de l'état du Delaware (USA), qui a son siège social à 2701 Centerville Road, Wilmington, 19808 Delaware, États-Unis, qui est immatriculée sous le numéro 685994416. Selon la Demanderesse, la Défenderesse est représentée par Monsieur Luc GERARD NYAFE (Ci-après : L. GERARD).

B. Période précédant la conclusion du Contrat

75.

En 2018, Monsieur Stéphane LE ROUX (ci-après : S. LE ROUX), président de la Demanderesse, a fait la connaissance de L. GERARD, propriétaire - notamment à travers la Défenderesse - de plusieurs entreprises dans l'énergie, les matières premières et la santé17. Une première rencontre a eu lieu entre les deux hommes, à Paris, Gare de Lyon18.

76.

Lors de ces contacts, la Défenderesse, représentée par L. GERARD, était en train de constituer un fonds de titrisation de droit luxembourgeois NATIONAL CLINICS (ci-après : le Fonds), qu'elle allait détenir à 100% ; le compartiment A du Fonds devait notamment détenir 100% de LA National LLC (Latin America National Clinics), une société qui aurait elle-même détenue majoritairement la société NCC (National Clinics Colombia) SAS, laquelle détenait plusieurs cliniques en Colombie19.

77.

Durant leurs discussions, qui ont eu lieu en novembre ou décembre 201820, S. LE ROUX et L. GERARD ont prévu de rapprocher la Demanderesse et la Défenderesse par une prise de participation de la Demanderesse dans une des sociétés détenues par L. GERARD21.

78.

Le 18 décembre 2018, le Fonds et la Demanderesse ont rédigé une présentation conjointe, en anglais, intitulée « Business Rationale - Executive Summary » pour définir les principaux objectifs de chacune des Parties22. Cette présentation prévoyait, comme un des objectifs principaux pour la Demanderesse, le fait d'accélérer l'accroissement des ventes de la Demanderesse et un retour en termes de profitabilité centré sur un axe historique : l'Amérique latine23.

79.

Le 21 décembre 2018, la Demanderesse a adressé à la Défenderesse une « Lettre d'intérêt relative à l'ouverture de discussions entre les Groupes Strategos et Spineway », qui envisage une opération de rapprochement capitalistique et/ou industriel, en particulier avec la société LA National LLC24. Cette lettre a été contresignée par L. GERARD, qui a ajouté à la main « Bon pour accord sur les termes de la présente lettre »25.

80.

S'en est suivi une négociation menée, du côté de la Demanderesse, par S. LE ROUX, D. SIEGRIST et le conseil juridique de la Demanderesse ; la Défenderesse était, elle aussi, représentée par un conseil juridique établi à Paris26.

C. Conclusion du Contrat et début d'exécution du Contrat

81.

Le 19 mars 2019, les Parties ont conclu une « Promesse synallagmatique de vente et d'achat sous conditions suspensives assortie d'une promesse unilatérale de vente » (ci-après : le Contrat), signée par S. LE ROUX pour la Demanderesse et par L. GERARD pour la Défenderesse27.

82.

Selon l'art. 2.1 du Contrat, « [l]e Cédant [la Défenderesse] s'engage expressément et irrévocablement à céder au Cessionnaire [la Demanderesse], et le Cessionnaire s'engage expressément et irrévocablement à acquérir du Cédant, en plusieurs fois, dans un délai initial de 36 mois [...] 52% des Parts du Fonds [...] lorsque celui-ci lui en fera la demande, dans les conditions de la présente Promesse et en particulier contre paiement du Prix partiel [...]. Au titre de l'acquisition du solde des Parts relatif à 48% du capital social du Fonds (par voie d'achat ou d'apport), le Cédant a consenti une promesse unilatérale de vente au Cessionnaire, avec faculté pour ce dernier de ne pas l'exercer. [...] ».

83.

Selon l'art. 3.1 du Contrat, celui-ci était conclu sous deux conditions suspensives, dont la formulation était la suivante :

« La conclusion satisfaisante d’un audit juridique, comptable et financier réalisé à la demande du Cessionnaire sur la valeur du Fonds et précisément sur la valeur des actifs et des passifs du Fonds, étant convenu entre les Parties que la conclusion satisfaisante de l'audit est définie comme un audit réalisé par le cabinet Mazars (ou l'un de ses correspondants) conduisant à une valorisation du Fonds non inférieure de plus de 15 % à celle retenue pour fixer le Prix Total Initial des Parts du Fonds, soit EUR 80.000.000 ».


« L'obtention par le Cessionnaire d'un accord de principe par un ou plusieurs investisseurs privés portant sur le financement du Prix Partiel correspondant à /'Exercice Initial de la Promesse, soit la somme de quatre millions cent-soixante mille euros (4.160.000 €), et sa mise à disposition effective au Cessionnaire en conformité avec toute délibération nécessaire de l'assemblée générale des actionnaires et/ou du Conseil d'administration et son abondement effectif, immédiat ou à terme, tout au long de la Période d'Exercice. »28.


84.

L'art, 3.4 du Contrat prévoit que : « A titre de condition résolutoire de la Promesse, les Parties conviennent de conclure, dans un délai de six (6) mois à compter de la Date de la Promesse, un accord de partenariat commercial et de distribution des produits du Cessionnaire sur les zones d'activité du Cédant [ci-après : l'Accord de Partenariat ou Accord de Partenariat commercial]. A défaut de conclusion effective de cet accord, pour des raisons autres que le simple refus du Cessionnaire de signer le contrat de partenariat équilibré proposé par le Cédant, dans le délai de six (6) mois (sauf prolongation de ce délai d'un commun accord entre les Parties), la présente Promesse sera résiliée et les Parties seront remises dans leur état initial. Notamment, l'achat des Parts effectué depuis lors sera résilié et les sommes versées par le Cessionnaire lui seront restituées par le Cédant, le tout sans indemnité de part, ni d'autre »29.

85.

Selon l'art. 5.1 du Contrat, « le paiement partiel résultant de l'Exercice initial de la Promesse sera échelonné en quatre (4) paiements prévus aux dates suivantes :

- au premier Jour Ouvré suivant la levée des Conditions suspensives : 1.000.000 d'euros ;


- au dernier Jour Ouvré du mois suivant la levée des Conditions suspensives : 1.000.000 d'euros ;


- au dernier Jour Ouvré du 2e mois suivant la levée des Conditions suspensives : 1.000.000 d'euros ;


- au dernier Jour Ouvré du 3e mois suivant la levée des Conditions suspensives : 1.160.000 d'euros. »30, soit un total de EUR 4'160'000.- »31.


86.

Selon l'art. 10.1 du Contrat, « [l]a Promesse est régie et interprétée conformément au droit français »32.

87.

Le 20 mars 2019, la Demanderesse a publié un communiqué de presse intitulé « Projet d'acquisition majeure en Amérique latine », qui précise que « [c]ette prise de participation devrait permettre à Spineway de renforcer ses positions sur l'Amérique Latine et d'accélérer significativement ses ventes sur la zone grace [sic] à la mise en place, dans les six prochains mois, d'un accord de partenariat. Cet accord étant une clause résolutoire de la Promesse »33.

88.

Le 3 mai 2019, les Partes ont conclu l'« Avenant numéro un à la promesse synallagmatique de vente et d'achat sous conditions suspensives assortie d'une promesse unilatérale de vente conclue le 19 mars 2019» (ci-après : l'Avenant n° 1), qui modifiait notamment l'art. 3.1 du Contrat en rallongeant de sept jours le délai initial de 45 jours, en le faisant passer à 52 jours34.

89.

Du 26 avril 2019 au 17 mai 2019, trois rapports d'audit sur les différentes entités entrant dans le champ de l'opération concluaient à l'absence de points réellement bloquants35.

90.

Le 16 mai 2019, après avoir pris acte de ces rapports d'audit, les Parties ont conclu l'« Avenant numéro deux à la promesse synallagmatique de vente et d'achat sous conditions suspensives assortie d'une promesse unilatérale de vente conclue le 19 mars 2019 » (ci-après : l'Avenant n° 2), modifiant plusieurs dispositions du Contrat36.

91.

L'Avenant no 2 introduisait notamment un nouvel art. 3.5 du Contrat disant que « [l]e Cessionnaire reconnaît que l’audit notamment juridique, comptable et financier effectué par ses soins a donné entière satisfaction au Cessionnaire à l'exception exclusive de la liste des difficultés visées dans l'annexe 8 Bis et sous réserve de l'adoption du nouveau Prix Total Initial et du nouveau prix total pour 100% des Parts du Fonds, rendant caduque la condition suspensive visée à l'article 3.1. »37.

92.

L'Avenant n° 2 indiquait la nouvelle dénomination du Fonds, à savoir « Integral Medical Solutions Fund »38, le nombre total de parts composant le Fonds passait de 80'000 à 60'00039, et le montant du capital du Fonds passait de 80 millions d'euros à 60 millions d'euros40.

93.

L’Avenant n° 2 modifiait l'échéancier du paiement initial contenu dans l'art. 5.1 du Contrat, à savoir :

- «au jour de la signature de l'Avenant 2 : 1.000.000 d'euros ;


- au dernier Jour Ouvré du mois suivant le jour de la signature de l'Avenant 2 : 1.000.000 d'euros ;


- au dernier Jour Ouvré du 2e mois suivant le jour de la signature de l'Avenant 2 : 1.000.000 d'euros ;


- au dernier Jour Ouvré du 3e mois suivant le jour de la signature de l'Avenant 2 : 1.160.000 d’euros. »41.


94.

L'Avenant n° 2 n'a en revanche pas modifié l'art. 3.4 du Contrat, qui prévoyait la condition résolutoire portant sur la signature d'un Accord de Partenariat (supra N 84)42.

95.

Toujours 16 mai 2019, en vertu du Contrat et des Avenants n° 1 et n° 2, la Demanderesse s'est vu transférer 750 parts A et 250 parts B du Fonds43, en contrepartie du versement d'un million d'euros44.

96.

Par la suite, la Demanderesse a honoré les quatre échéances du paiement initial prévues à l'art. 5.1 du. Contrat (supra N 93)45.

97.

Le 1er juillet 2019, la Demanderesse s'est vu transférer 750 parts A et 250 parts B du Fonds46, en contrepartie du versement d'un million d'euros effectué le 5 juillet 201947.

98.

Le 1er août 2019, la Demanderesse s'est vu transférer 750 parts A et 250 parts B du Fonds48, en contrepartie du versement d'un million d'euros effectué le 31 juillet 201949

99.

Le 4ème bulletin, daté du 2 octobre 2019, n'a été transmis que le 17 juillet 2020 après de multiples relances de la part de la Demanderesse50.

100.

Entre le 28 mai 2019 et l'automne 2019, les Parties ont échangé et se sont rencontrés notamment pour concrétiser le partenariat et pour conclure l'Accord de Partenariat visé à l'art. 3.4 du Contrat (supra N 84)51.

101.

A la fin du mois de mai 2019, du 28 au 31 mai 201952, S. LE ROUX, PDG de la Demanderesse, s'est rendu en Colombie, accompagné de D. SIEGRIST, de P. CHABERT et de F. LAUCK, pour rencontrer L. GERARD et ses équipes53.

102.

P. CHABERT affirme avoir eu pour mission de discuter les possibilités de synergies entre la Demanderesse et la Défenderesse ou le Fonds en matière de Supply Chain54.

103.

F. LAUCK affirme avoir eu pour mission de prendre contact avec les responsables de National Clinics Colombia SAS, en particulier la responsable du service d'investigation clinique basée à l'Hôpital San Rafael pour présenter les besoins de la Demanderesse en matière d'investigations cliniques55.

104.

Le 3 juin 2019, S. LE ROUX adressait un courriel à L. GERARD en affirmant notamment « [...] Nous avons pu identifier plusieurs synergies porteuses de vente (tes equipes te feront retour j'en suis sur). Quelques recherches sont en cours au sein des equipes, et nous pourrons sous quelques jours appliquer des coefficients priorité en fonction de CA potentiel et facilité de mise en œuvre pour plusieurs axes de développements. Ceci devrait permettre de signer rapidement un accord de partenariat. [...] » (sic) ; le courriel évoquait aussi le besoin d'aligner la stratégie financière pour les prochaines semaines/mois56.

105.

Le 4 juin 2019, L. GERARD répondait au courriel du 3 juin 2019 dans lequel il s'exprimait sur le financement, mais aussi sur les éléments de l'Accord de partenariat57.

106.

De juin 2019 à septembre 2019, les contacts électroniques entre les Parties ont porté sur le financement et divers autres sujets58, sans que l'Accord de Partenariat n'ait fait l'objet d'échanges approfondis, ce qui entraînait une inquiétude dans les courriels de la Demanderesse59.

107.

Le 17 septembre 2019, S. LE ROUX de la Demanderesse écrivait encore à Juan Tobar du groupe de la Défenderesse pour lui expliquer que la Demanderesse disposait d'un certificat européen ISO équivalent au standard américain GMP et lui demandait d'expliquer comment NCC [National Clinics Columbia] prévoyait d'importer les produits de la Demanderesse60.

108.

Avant le 19 septembre 2019, les Parties ne sont pas parvenues à conclure l'Accord de Partenariat prévu par l'art. 3.4 du Contrat (supra N 84).

D. Invocation de la réalisation de la condition résolutoire par la Demanderesse

109.

Le 16 octobre 2019, la Demanderesse, par le biais de S. LE ROUX, a écrit à la Défenderesse, à l’adresse de L. GERARD à Bogota, en lui rappelant le contenu de l'art. 3.4 du Contrat, en indiquant avoir fait les meilleurs efforts au cours des derniers mois aux fins de parvenir à l'Accord de Partenariat commercial, mais en soulignant qu'au grand désarroi de la Demanderesse, aucune proposition concrète n'avait permis d'aboutir à un tel Accord de Partenariat dans le délai indiqué à l'art. 3.4 du Contrat. Par conséquent, constatant cette absence, la Demanderesse était au regret de mettre en jeu l'art. 3.4 du Contrat et notifiait à la Défenderesse la résolution du Contrat61. Enfin, le courrier précisait que la Demanderesse procéderait, le 23 octobre 2019, à la signature des ordres de mouvement visant à transférer la propriété des 2250 parts A et 750 parts B du Fond déjà acquises et correspondant aux trois premiers versements de 1 million d'euros réalisés et soulignait qu'en dépit du versement de 1,16 million d'euros prévu à l'art. 5.1 du Contrat, la Demanderesse n'avait pas reçu les ordres des parts A et B du Fonds y afférents. Enfin, le courrier remerciait la Défenderesse de procéder au virement de 4,16 millions d'euros correspondant à l'ensemble des sommes versées au titre de paiement partiel à compter du 23 octobre 2019, et avant le 6 novembre 201962.

110.

Le même jour, S. LE ROUX a adressé à L. GERARD un courriel comprenant le courrier décrit ci-dessus. Ce courriel comprend une indication que le contenu du message avait déjà été annoncé la veille lors d'une conversation téléphonique63.

111.

Le 18 octobre 2019, la Défenderesse aurait répondu en informant la Demanderesse que son conseil allait adresser de manière imminente un courrier64.

112.

Le 21 octobre 2019, le courrier du 16 octobre 2019, envoyé le 17 octobre 2019, a été délivré à l'adresse mentionnée65.

113.

Le 6 novembre 2019, la Demanderesse a adressé un courriel à la Défenderesse qui indiquait que dix-huit jours avaient passé sans réponse, que le Contrat était clair en prévoyant comme condition résolutoire la conclusion d'un Accord de Partenariat commercial, qu'en l’absence d'un tel Accord de Partenariat, le Contrat était « résilié de facto » et que les Parties devraient restituer les prestations. S. LE ROUX indiquait vouloir récupérer les sommes versées sans délai et compter sur un retour très rapide de L GERARD66.

E. Discussions postérieures

114.

Le 28 novembre 2019, la Défenderesse a pris position, par courriel et par courrier recommandé, en se déclarant surprise tant sur la forme que sur le fond67. Sur la forme, la Défenderesse souligne que les Parties ont eu de nombreux contacts (réunions et conférences téléphoniques) au cours des derniers mois (mai à septembre 2019), sans que la Demanderesse n'ai pris la peine d'évoquer sa volonté de notifier la résolution du Contrat. Sur le fond, la Défenderesse est d'avis que l'interprétation que fait la Demanderesse de la condition résolutoire contenue à l'art. 3.4 du Contrat la rend potestative et donc nulle et de nul effet68. La Défenderesse affirme en outre que69 :

- de nombreuses réunions et discussions ont eu lieu soit par téléphone, soit de visu pour parvenir à un Accord de Partenariat en bonne et due forme, notamment une réunion du 29 au 31 mai à Bogota, lors de laquelle les résultats financiers et opérationnels des sociétés du groupe National Clinics Centenario ont été présentés, chacune des Parties ayant par la suite pu échanger sur les budgets définis pour 2019 dans le cadre d'un futur partenariat ;


- à l'issue de cette réunion, les Parties ont défini un business plan, aux termes duquel II était convenu que NCC partage avec la Demanderesse la base de données concernant tous les achats d'appareils de chirurgie de la colonne vertébrale entre 2018 et 2019, le tout dans le cadre d'un futur partenariat ;


- à l'issue de cette réunion, S. LE ROUX aurait confirmé par courriel « qu'il existait bien plus de synergies entre les deux sociétés que celles envisagées initialement » ;


- au mois de juin 2019, un paiement anticipé de 100 MM de COP a été payé à Osteomedical, distributeur de la Demanderesse en Colombie, pour les appareils achetés par NCC, dans le but de faciliter les négociations avec ce distributeur, cela dans la perspective du futur partenariat ;


- à la fin juin 2019, deux personnes ont pu visiter les établissements de la Demanderesse et passer en revue l'aspect opérationnel, le business plan et le fonctionnement de la Demanderesse dans la perspective du futur partenariat ;


- le 9 juillet 2019, S. LE ROUX a pu s'entretenir avec les dirigeants de NCC et faire un point sur le business établi entre les deux Parties ;


- l'équipe de recherches du HUCSR a pu revoir les études cliniques de la Demanderesse en vue de la certification européenne, échanges qui ont duré jusqu'au mois d'octobre 2019, toujours dans la perspective d'un partenariat ;


- S. LE ROUX a pu rencontrer le Dr Diaz, neurochirurgien du groupe de la Défenderesse, pour examiner les données chiffrées du marché de la chirurgie de la colonne vertébrale en Colombie, toujours dans la perspective du partenariat ;


- le 2 septembre 2019, NCC a transmis à la Demanderesse le bilan consolidé du groupe à juin 2019, alors que le bilan consolidé n'est en principe établi qu'une fois par an au mois de décembre ;


- NCC était, au mois de juillet 2019, en contact avec l'organisme public Invima pour examiner les exigences et le processus requis quant à la fabrication des produits à importer et à l'infrastructure permettant le stockage conformément aux normes applicables et au respect des processus et procédures qualité requis ; à ce titre, la Demanderesse a transmis le certificat de bonnes pratiques de fabrication le 16 septembre 2019 et les discussions avec Invima se sont poursuivies jusqu'à fin octobre 2019, toujours dans la perspective du partenariat ;


- dans le cadre du partenariat, les Parties ont mis en place des équipes de chirurgiens spécialisés dans la colonne vertébrale et disposés à travailler avec les cliniques publiques dans le cadre de forfaits de chirurgie offrant la meilleure efficacité et la plus grande compétitivité sur le marché colombien et ont élaboré ensemble des forfaits adaptés à chaque pathologie de la colonne vertébrale sur la base des matériaux et des prix d'usine de la Demanderesse ;


- dans le cadre du partenariat, la Défenderesse a assisté à un congrès les 17 et 18 octobre 2019 où des bureaux ont été loués pour présenter l'offre mise en place par les Parties aux principaux décideurs des établissements publics de santé ;


- dans le cadre du partenariat, une équipe marketing a été mise en place pour développer et promouvoir le site internet « Breaking News NCC-Spineway »70.


115.

Toujours dans le même courrier du 28 novembre 2019, la Défenderesse indique que les principes de l'accord commercial entre les Parties étaient finalisés mais, qu'à sa surprise, à compter de septembre 2019, la Demanderesse n’a aucunement contribué à rendre possible le partenariat contemplé, « niant pratiquement systématiquement à répondre [aux] propositions [de la Défenderesse] ou à [...] aider [la Défenderesse] pour faire avancer le processus alors que [les Parties étaient] sur le point de parvenir à un accord final de partenariat commercial et de distribution » (sic)71.

116.

La Défenderesse reprochait à la Demanderesse d'avoir fait croire à une négociation de bonne foi durant six mois pour se ménager la possibilité de solliciter la résolution du Contrat sur le fondement du défaut de signature d'un tel accord. « L'interprétation de cette condition résolutoire comme une clause à votre main la rend incontestablement potestative et donc nulle de piano. »72.

117.

La Défenderesse reprochait à la Demanderesse d'avoir mis en avant le partenariat avec NCC pour lever des fonds auprès d'investisseurs et d'avoir adopté dans les négociations une attitude déloyale et de mauvaise foi pour construire un argumentaire afin de solliciter la résolution du Contrat, après avoir tiré profit de l'aura que générait le partenariat en cours de négociation pour lever des fonds73.

118.

La Défenderesse concluait son courrier en indiquant qu'elle considérait que le Contrat continuait de produire ses effets et que la Demanderesse engageait sa responsabilité tant vis-à-vis du marché que vis-à-vis de la Défenderesse en n'exerçant pas les obligations auxquelles elle était tenue en vertu du Contrat74.

119.

Durant les semaines qui ont suivi, la Défenderesse et la Demanderesse n'ont effectué aucune démarche pour concrétiser cet accord, la Demanderesse tirant de cette inactivité l'argument que la Défenderesse considérait également le Contrat comme résolu.

120.

La Défenderesse n'a pas procédé à la restitution des sommes versées par la Demanderesse75.

121.

Par courrier recommandé du 7 mai 2020 adressé à la Défenderesse et à L. GERARD, les conseils de la Demanderesse ont rappelé l'accomplissement de la condition résolutoire et l'anéantissement de la promesse et de ses avenants76. Ils ont souligné que, faute de solution amiable comprenant la restitution des actions actuellement détenues par la Demanderesse et celle de tout ou partie des 4,16 millions d'euros versés, la Demanderesse saisirait le tribunal arbitral.

122.

Le 11 mai 2020, les conseils de la Demanderesse ont doublé leur communication du 7 mai 2020 au moyen d'un courriel77.

123.

Le dossier ne contient pas de réponse en provenance de la Défenderesse ou de L. GERARD78.

124.

C'est ce qui a conduit la Demanderesse, le 14 septembre 2020, à déposer la Notification d'arbitrage pour faire valoir ses droits79.

125.

La Demanderesse précise avoir engagé des frais et honoraires importants pour la négociation et la conclusion du Contrat, ainsi que pour les différents audits ; ces frais se chiffrent à EUR 252'329,21 HT80.

VI. Discussion

A. Compétence du Tribunal arbitral

126.

Le Tribunal arbitral vérifie d'office sa compétence.

127.

Les conclusions principales de la Demanderesse portent sur l'existence et la réalisation d'une condition ou clause résolutoire, ainsi que la restitution des prestations déjà effectuées à l'autre Partie et à des tiers, de telle sorte à remettre les Parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion du Contrat.

128.

Vu l'art. 10.2 du Contrat, il se justifie d'interpréter ladite clause afin de déterminer si le Tribunal arbitral est compétent.

129.

La Demanderesse admet la compétence de l'Arbitre unique81, alors que la Défenderesse ne s'est pas déterminée.

130.

La formulation de l'art. 10.2 du Contrat, qui prévoit que « [t]ous différends découlant de la présente Promesse ou en relation avec celle-ci seront tranchés définitivement suivant le Règlement de Conciliation et d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale de Genève par un (1) arbitre nommé conformément à ce Règlement (cet arbitre étant ci-après désigné le « Tribunal Arbitral »).

Le Tribunal Arbitral sera constitué à Genève (Suisse) et l'arbitrage aura lieu en langue française.


Le Tribunal arbitral devra trancher le litige en application du droit français »82.


131.

Afin de déterminer si le présent Tribunal arbitral est compétent, il convient d'interpréter l'art. 10.2 du Contrat. L'art. 10.2 du Contrat est clair en ce sens que le litige doit être tranché par un arbitre. Seule la référence aux règles devant régir la procédure arbitrale requiert une clarification : en effet, l'art. 10.2 du Contrat fait référence au « Règlement de Conciliation et d'Arbitrage de la Chambre de Commerce internationale de Genève ». Or il n'existe pas de Chambre de Commerce internationale de Genève. Il y a en revanche la Chambre de Commerce, d'industrie et des services de Genève (CCIG) qui a un règlement d'arbitrage international commun avec d'autres chambres de commerce suisses, le Règlement d'arbitrage.

132.

Lors de son interrogatoire, S. LE ROUX a indiqué que les Parties voulaient un arbitrage avec un Tribunal arbitral avec un siège neutre à Genève, que le détail de la clause a été négocié par les conseils juridiques des Parties83.

133.

En interprétant l'art. 10.2 du Contrat, le Tribunal arbitral parvient à la conclusion que cette disposition prévoit la compétence d'un Tribunal ayant son siège à Genève et que la procédure peut être soumise au Règlement d'arbitrage.

134.

Par conséquent, le Tribunal arbitral est compétent pour trancher les conclusions formulées dans la présente procédure d'arbitrage.

B. Généralités

1. Méthode et structure de la sentence

135.

Pour trancher le litige au fond, le Tribunal arbitral va procéder en sept étapes successives :

- dans un premier temps, il va qualifier juridiquement le contrat et la clause pertinente (infra N 151 ss) ;


- dans un deuxième temps, le Tribunal arbitral va vérifier si cette clause est valide (infra N 169 ss) ;


- dans un troisième temps, le Tribunal arbitral va examiner si les conditions de la clause pertinente sont remplies (infra N 179 ss) ;


- dans un quatrième temps, le Tribunal arbitral va déterminer si les conséquences juridiques tirées par la Demanderesse sont bien celles qui correspondent à la clause (infra N 206 ss) ;


- dans un cinquième temps, le Tribunal arbitral va trancher si les conclusions formulées par la Demanderesse sont justifiées (infra N 217 ss et N 232 ss) ;


- dans un sixième temps, le Tribunal arbitral va se déterminer sur les éventuelles créances d'intérêts (infra N 248 ss) ;


- dans un septième temps, le Tribunal arbitral va régler la question des frais et dépens (infra N 261 ss).


2. Base, nature, prestations et rémunération contractuelles

a) Question

136.

Il s'agit de déterminer la nature du Contrat ainsi que les prestations et le mode de rémunération convenus par les Parties.

b) Positions des Parties

137.

La position de la Demanderesse peut être résumée comme suit:

- Par le Contrat, que la Demanderesse qualifie de promesse synallagmatique de vente, la Demanderesse s'engage à acquérir, sur une période de 35 mois (prolongeable) une part majoritaire, soit 52% du capital du Fonds avec une possibilité d'acquérir les 48% restants84.


- La vente est consentie pour un prix fixe. Pour les 52% du capital du Fonds, les modalités de paiement se déclinent comme suit : 1 million d'euros doit être versé le 1er jour ouvré suivant la levée des conditions suspensives, 1 autre million d'euros le dernier jour ouvré du mois suivant la levée des conditions suspensives, puis un troisième million d'euros, enfin un montant de 1,16 millions d'euros doit être versé au dernier jour ouvré du troisième mois suivant la levée des conditions suspensives85.


- Le Contrat est conclu sous deux conditions suspensives et il comporte également une « condition » résolutoire86.


138.

La Défenderesse ne s'est pas déterminée.

c) Discussion

139.

Les bases contractuelles sont les suivantes. Il y a d'abord le Contrat, intitulé « Promesse synallagmatique de vente et d'achat sous conditions suspensives assortie d'une promesse unilatérale de vente en date du 19 mars 2019 entre Strategos Group LLC en qualité de Cédant et de Garant et Spineway SA en qualité de Cessionnaire »87. Il y a ensuite l'Avenant n° 1, intitulé « Avenant numéro un à la promesse synallagmatique de vente et d'achat sous conditions suspensives assortie d’une promesse unilatérale de vente conclue le 19 mars 2019 » du 3 mai 201988. Il y a enfin l'Avenant n° 2, intitulé « Avenant numéro deux à la promesse synallagmatique de vente et d’achat sous conditions suspensives assortie d'une promesse unilatérale de vente conclue le 19 mars 2019 » du 16 mai 201989.

140.

En vertu de ces bases contractuelles, en particulier l'art. 2.1 du Contrat, la Défenderesse devait exécuter les prestations principales suivantes : elle devait céder à la Demanderesse, en plusieurs fois, dans un délai initial de 36 mois, 52% des Parts du Fonds lorsque la Demanderesse lui en fera la demande, dans les conditions du Contrat et en particulier contre paiement du prix. Quant à l'acquisition du solde des Parts relatif à 48% du capital social du Fonds (par voie d'achat ou d'apport), la Défenderesse a consenti une promesse unilatérale de vente à la Demanderesse, avec faculté pour celle-ci de ne pas l'exercer (art. 2.1 du Contrat).

141.

En vertu de ces bases contractuelles, en particulier l'art. 5.1 du Contrat modifié par l'Avenant n° 2, la Demanderesse devait payer le prix selon l'échéancier suivant : au jour de la signature de l'Avenant 2 : 1 million d'euros ; au dernier Jour Ouvré du mois suivant le jour de la signature de l'Avenant 2 : 1 million d'euros ; au dernier Jour Ouvré du 2e mois suivant le jour de la signature de l'Avenant 2 : 1 million d'euros ; au dernier Jour Ouvré du 3e mois suivant le jour de la signature de l'Avenant 2 : 1,16 million d'euros90.

142.

Le Contrat était soumis à deux conditions suspensives figurant à l'art. 3.1 du Contrat : la première concernait la conclusion satisfaisante d'un audit juridique, comptable et financier, et la seconde l'obtention par la Demanderesse d'un accord de principe sur le financement du prix de la transaction. L'Avenant n° 2 introduisait notamment un nouvel art. 3.5 du Contrat disant que la Demanderesse reconnaissait que l'audit juridique, comptable et financier effectué par ses soins avait donné satisfaction, ce qui rendait caduque la condition suspensive visée à l'art. 3.1 du Contrat91. Par conséquent, le Contrat pouvait déployer ses effets.

143.

Le Contrat comprenait également, à l'art. 3.4 du Contrat, une clause prévoyant une « condition résolutoire de la Promesse », sur laquelle nous reviendrons plus loin dans la discussion (infra N 151 ss), mais qui n'influence pas la qualification du Contrat.

144.

En définitive, le Tribunal arbitral considère que le Contrat pertinent pour le présent litige peut être qualifié de promesse synallagmatique de vente92, conformément à l'intitulé du Contrat.

3. Droit applicable

d) Question

145.

Il s'agit de déterminer le droit applicable au Contrat.

e) Positions des Parties

146.

La position de la Demanderesse peut être résumée comme suit:

- Le droit français est applicable au Contrat93.


147.

La Défenderesse ne s'est pas déterminée.

f) Discussion

148.

L'art. 10.1 du Contrat prévoit que « [l]a Promesse est régie et interprétée conformément au droit français ». Le Contrat date du 19 mars 2019.

149.

C'est donc le droit français, tel qu'il existe au 19 mars 2019, qui constitue le droit matériel de référence pour traiter du présent litige ; par conséquent, le droit français des obligations, tenant notamment compte des modifications intervenues en octobre 2016, est pertinent. Notons que l'Expertise Nourissat parvient, à la même conclusion94.

150.

Par conséquent, le Tribunal arbitral décide que le droit français, en particulier le Code civil français (ci-après : CCfr.) dans sa version intégrant la réforme du CCfr. de 2016, est applicable.

C. Régime de l'art. 3.4 du Contrat

1. Qualification de l'art. 3.4 du Contrat

a) Question

151.

Il s'agit de déterminer la nature de l'art. 3.4 du Contrat.

b) Positions des Parties

152.

La position de la Demanderesse peut être résumée comme suit:

- La Demanderesse se fonde sur l'Expertise Nourissat qui envisage tant la qualification de condition résolutoire que celle de clause résolutoire95 et qui conclut au fait que les deux qualifications sont susceptibles d'être approuvées96. L'Expertise Nourissat parvient à la conclusion que ce conflit de qualification n'a aucune conséquence sur les effets puisque, dans les deux cas, cela aboutit à la remise des Parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion du Contrat97. La différence théorique repose sur le fait que le caractère prétendument potestatif de l'art. 3.4 du Contrat n'a aucun effet si la qualification de clause résolutoire est retenue pour cette disposition contractuelle98.


- L'art. 3.4 du Contrat peut être qualifié soit de condition résolutoire, soit de clause résolutoire. La condition résolutoire est notamment prévue aux art. 1304, 1304- 2 et 1304-3 CCfr., alors que la clause résolutoire est notamment régie par les art. 1224, 1225 et 1229 CCfr.99.


- La Demanderesse, suivant en cela les conclusions de l'Expertise Nourissat100, privilégie la qualification de clause résolutoire plutôt que celle de condition résolutoire mais s'en remet à la décision du Tribunal arbitral101.


- L’argument favorisant l'existence d'une clause (plutôt qu'une condition) résolutoire est formel et tient au fait que l'art. 3.4 du Contrat figure au point 3 du Contrat qui porte sur les « effets » du Contrat102. En outre, l'art. 3.4 du Contrat correspond aux définitions de la clause résolutoire données par la doctrine ; les Parties voulaient, en signant l'art. 3.4 du Contrat, obtenir leur remise en état si l'hypothèse de l'art. 3.4 du Contrat se réalisait103. Le verbe « résilié » utilisé dans l'art. 3.4 du Contrat doit être lu comme s'il signifiait « résolu »104.


153.

La Défenderesse ne s'est pas déterminée dans la procédure. En se fondant sur les pièces figurant au dossier, la position de la Défenderesse peut être résumée en ce sens qu'elle n'envisage l'art. 3.4 du Contrat que sous l'angle de la condition résolutoire, à l'exclusion d'une qualification de clause résolutoire105.

c) Discussion

154.

Il s'agit Ici de qualifier juridiquement l'art. 3.4 du Contrat, dont le contenu est le suivant : « A titre de condition résolutoire de la Promesse, les Parties conviennent de conclure, dans un délai de six (6) mois à compter de la Date de la Promesse, un accord de partenariat commercial et de distribution des produits du Cessionnaire sur les zones d'activité du Cédant. A défaut de conclusion effective de cet accord, pour des raisons autres que le simple refus du Cessionnaire de signer le contrat de partenariat équilibré proposé par le Cédant, dans le délai de six (6) mois (sauf prolongation de ce délai d'un commun accord entre les Parties), la présente Promesse sera résiliée et les Parties seront remises dans leur état initial. Notamment, l'achat des Parts effectué depuis lors sera résilié et les sommes versées par le Cessionnaire lui seront restituées par le Cédant, le tout sans indemnité de part, ni d'autre »106.

155.

Selon l'art. 1304 CCfr., « [I]'obligation est conditionnelle lorsqu'elle dépend d'un événement futur et incertain. La condition [...] est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l'anéantissement de l'obligation ». L'instruction de la cause, et en particulier l'audition de l'Expert Nourissat, a permis de clarifier le fait que cette disposition peut s'appliquer tant à une obligation qu'à une convention107.

156.

Selon l'art. 1224 CCfr., « [l]a résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire, soit [...]. ». Selon l'art. 1225 CCfr., [I]a clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat. [...] ».

157.

La doctrine qualifie la « condition résolutoire » comme étant celle qui « permet aux parties de subordonner le maintien de leur contrat à la non-réalisation d'un événement déterminé. Si l'événement érigé en condition survient, le contrat sera censé n'avoir jamais existé »108.

158.

Quant à la « clause résolutoire », elle « a pour objet d'anticiper et d'organiser les modalités d'une éventuelle résolution du contrat [...]. Le fait générateur de la résolution est alors soit la volonté unilatérale de l'une des parties, soit la survenance d'un événement incertain. De manière plus précise, la pratique ne qualifie de clauses résolutoires que celles qui organisent l'anéantissement rétroactif du contrat, motif pris de ce que l'un des contractants n'exécuterait pas ses obligations »109.

159.

La différence entre « condition » et « clause » résolutoire tient notamment au fait que, « tandis que la condition résolutoire est un mécanisme relatif à la formation du contrat, la clause résolutoire organise la sanction de sa mauvaise exécution »110.

160.

Selon l'Expertise Nourissat, l'enjeu de la qualification se situe moins dans les effets attachés à l'art. 3.4 du Contrat - qui sont similaires si ce n'est identiques - que dans la portée de l'argument soulevé par la Défenderesse, qui tient au caractère prétendument potestatif de la condition résolutoire111.

161.

Comme l'Expert Nourissat l'a confirmé lors de son audition, on ne peut avoir deux qualifications en même temps112, tout en précisant qu'à son avis, dans la présente affaire, il y avait une indifférence de la qualification sur l'aspect des effets juridiques113.

162.

Partant, le Tribunal arbitral va procéder à la qualification de la clause en question. Pour fonder son opinion, le Tribunal arbitral retient les éléments suivants.

163.

Premièrement, l'art. 3.4 du Contrat contient une condition au sens de l'art. 1304 CCfr., dans la mesure où le maintien du Contrat dépend bel et bien d'un événement futur incertain lors de sa conclusion, à savoir la conclusion de l'Accord de partenariat commercial dans le délai de six mois à compter de la date de signature du Contrat. Les Parties ont clairement exprimé leur volonté en ce sens dans l'art. 3.4 du Contrat114. S'agissant des effets, il s'agit en outre bien d'une condition résolutoire au sens de l'art. 1304 CCfr., dans la mesure où son accomplissement entraîne l'anéantissement du Contrat et de ses obligations, puisque l’art. 3.4 du Contrat prévoit que « la présente Promesse sera résiliée et les Parties seront remises dans leur état initial »115.

164.

Deuxièmement, l'art. 3.4 du Contrat a été négocié et rédigé par des conseils juridiques français expérimentés, dont on peut s'attendre à ce qu'ils soient rompus au droit français116. Le Tribunal arbitral retient que ces conseils expérimentés étaient rompus à la terminologie du CCfr., qui distingue clairement condition résolutoire aux art. 1304 ss CCfr. et clause résolutoire aux art. 1224, 1225 et 1229 CCfr. Or, l'art. 3.4 du Contrat débute par l'expression « [à] titre de condition résolutoire de la Promesse »117, sans jamais utiliser l'expression de clause résolutoire.

165.

Troisièmement, l'argument systématique de la Demanderesse et de l'Expert Nourissat consistant à dire que, vu que l'art. 3.4 du Contrat figure sous ch. 3 du Contrat consacré aux effets du Contrat (« Effet de la promesse »)118, il faut privilégier la qualification de clause résolutoire, ne convainc pas le Tribunal arbitral. En effet, le ch. 3 du Contrat contient de nombreuses clauses ne traitant ni de l'exécution du Contrat ni de ses effets. Par exemple, l'art. 3.1 du Contrat, qui figure aussi sous le ch. 3 du Contrat (« Effet de la promesse ») et concerne deux conditions suspensives, n'a pas trait aux effets du Contrat mais prévoit un mécanisme relatif à la formation de celui-ci.

166.

Quatrièmement, le soin apporté à la rédaction de l'art. 3.4 du Contrat pour souligner son caractère non potestatif est un indice supplémentaire démontrant que les rédacteurs du Contrat considéraient que l'art. 3.4 du Contrat était une condition résolutoire et non une clause résolutoire. En effet, le fait d'avoir précisé qu'« à défaut de conclusion effective de cet accord, pour des raisons autres que le simple refus du Cessionnaire de signer le contrat de partenariat équilibré proposé par le Cédant [...] »119 démontre que les Parties ont consciemment tenté de mettre en évidence l'absence de potestativité dans l'art. 3.4 du Contrat (à ce sujet, infra N 172 ss).

167.

Cinquièmement, la distinction faite par la littérature pratique - selon laquelle la condition résolutoire pourrait être distinguée de la clause résolutoire parce qu'elle aurait trait à un événement futur et incertain extérieur au contrat, alors que la clause résolutoire viserait non pas un élément extérieur au contrat et au co-cocontractant mais l'exécution même des obligations nées du contrat120 - ne se trouve ni dans le Code civil français ni dans la littérature théorique, et n'a pas paru déterminante pour l'Expert Nourissat121. Par conséquent, le Tribunal arbitral ne retiendra pas ce critère pour qualifier l'art. 3.4 du Contrat.

168.

En définitive, pour tous les motifs exposés ci-dessus, le Tribunal arbitral considère, sans pour autant exclure la possibilité d'une qualification de clause résolutoire, que l'art. 3.4 du Contrat doit être qualifié de condition résolutoire.

2. Validité de l'art. 3.4 du Contrat

a) Question

169.

Il s'agit de déterminer si l'art. 3.4 du Contrat, tel qu'il a été qualifié ci-dessus, est valide.

b) Positions des Parties

170.

La position de la Demanderesse peut être résumée comme suit:

- L'art. 3.4 du Contrat est valable et l'argument de son caractère potestatif est non seulement infondé mais sans effet sur l'accomplissement de la condition résolutoire122.


- L'art. 3.4 du Contrat constitue un élément essentiel du Contrat123, au point qu'il a été expressément mentionné dans le communiqué de presse de la Demanderesse du 20 mars 2019124.


- L'art. 3.4 du Contrat n'est pas arrivé au dernier moment, il figurait déjà dans les projets échangés entre les parties et leurs conseils juridiques125. La Demanderesse a, sur les conseils de son conseil juridique et à l'initiative de S. LE ROUX, insisté dès le début pour avoir une condition résolutoire intégrée dans le Contrat car, vu les activités naturelles différentes des Parties et vu l'ensemble des paramètres du partenariat à développer, il s'agissait de pouvoir construire quelque chose dans un temps assez court et d'avoir une porte de sortie si cela ne marchait pas126.


- En dépit de deux avenants qui ont modifié des points essentiels du Contrat, l'art. 3.4 du Contrat n'a jamais été modifié, il est profondément ancré dans l'accord des Parties127.


- S'il s’agit d'une condition (et non d'une clause) résolutoire, celle-ci n'a pas de caractère purement potestatif, car les Parties ont voulu se mettre à l'abri d'un tel risque en prenant le soin de souligner, en conformité avec le droit et la jurisprudence français, que la circonstance de la condition était bien le défaut de conclusion effective de l'Accord de Partenariat commercial pour des raisons autres que le simple refus de la Demanderesse. Cette condition ne dépendait donc pas de la seule volonté de la Demanderesse128. Cette condition n'est pas non plus simplement potestative car, selon l'art. 3.4 du Contrat, il suffit à la Défenderesse de proposer un Accord de Partenariat commercial équilibré pour faire échec à l'accomplissement de la condition résolutoire129. Cette condition n'offre pas non plus d'avantage disproportionné, déséquilibré au seul profit de la Demanderesse, dans la mesure où il permet de concrétiser l'objectif de développement des affaires de la Demanderesse, ce qui explique pourquoi celle-ci était prête à payer à la Défenderesse le prix de la participation dans le Fonds130. Enfin, la Demanderesse n'a pas adopté de comportement visant délibérément à anéantir l'exécution du Contrat, ce qui aurait pu remplir la condition de l'art. 1304-3 CCfr. ; au contraire, c'est la Demanderesse qui a tenté de construire le partenariat commercial131.


- La Défenderesse n'a jamais allégué le caractère potestatif de l'art. 3.4 du Contrat jusqu'au courrier du 28 novembre 2019132.


- A supposer que la condition soit potestative (ce qu'elle n'est pas), la nullité ne peut plus être invoquée en vertu de l'art. 1304-2 CCfr.133.


- S'il s'agit d'une clause (et non d'une condition) résolutoire, Il n'y a pas à s'interroger sur le caractère éventuellement potestatif de l'art. 3.4 du Contrat pour apprécier sa validité134.


171.

La Défenderesse ne s'est pas déterminée dans la procédure. En se fondant sur les pièces figurant au dossier, notamment la Pièce Dem-27, la position de la Défenderesse peut être résumée comme suit: l'interprétation faite par le Demanderesse de la condition résolutoire, « comme une clause à [sa] main »135, la rend potestative et donc nulle et de nul effet136.

c) Discussion

172.

Vu la qualification de condition résolutoire retenue (supra N 168), il convient d'analyser si l'art. 3.4 du Contrat est valable au regard du droit français.

173.

Selon l'art. 1304-2 CCfr., « [e]st nulle l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. Cette nullité ne peut être invoquée lorsque l'obligation a été exécutée en connaissance de cause »137. Ainsi que cela découle de l'instruction, cette disposition couvre tant les conditions purement potestatives que les conditions simplement potestatives138.

174.

Un auteur relève qu'« en pratique, les parties soumettent systématiquement l’ensemble des obligations contractuelles naissant d'un contrat synallagmatique à la condition résolutoire : celle-ci est alors au pouvoir d’une partie qui fait nécessairement figure à la fois de créancier et de débiteur, ce qui rend cette limite textuelle sans portée »139. Il rajoute que, lorsque la condition résolutoire est simplement potestative, c’est-à-dire qu'elle « ne dépend pas directement de la volonté du débiteur mais de la réalisation d'un événement qu'il tient en son pouvoir [...] la condition sera tenue par principe comme valable »140.

175.

Se fondant sur l'analyse du texte de l'art. 3.4 du Contrat, le Tribunal arbitral procède aux constats suivants :

176.

Premièrement, la condition résolutoire de l'art. 3.4 du Contrat consiste dans la conclusion effective d'un Accord de Partenariat commercial dans un délai de six mois à compter de la date de Conclusion du Contrat, telle que cette date figure sur la page de la signature du Contrat, c'est-à-dire le 19 mars 2019141.

177.

Deuxièmement, les Parties ont pris le soin de préciser que, pour que la condition résolutoire produise ses effets, il fallait que l'Accord de Partenariat commercial ne soit pas conclu « pour des raisons autres que le simple refus du Cessionnaire de signer le contrat de partenariat équilibré proposé par le Cédant »142. Cette précision démontre que les Parties ont pris soin de ne pas conférer un caractère potestatif à la clause143. D'une part, le simple refus de la Demanderesse de conclure l'Accord de Partenariat commercial ne permettait pas à la condition résolutoire de se réaliser ; en effet, si l'Accord de Partenariat commercial était « équilibré », la Demanderesse n'était pas autorisée à le refuser. D'autre part, l'art. 3.4 du Contrat précisait qu’il revenait à la Défenderesse de proposer un Accord de Partenariat commercial équilibré et qu'un simple refus de la Demanderesse n'aurait donc pas entraîné la réalisation de la condition résolutoire. Cette possibilité offerte à la Défenderesse de proposer unilatéralement un Accord de Partenariat commercial établit également l'absence de caractère potestatif en faveur de la Demanderesse.

178.

En définitive, le Tribunal arbitral considère que l'art. 3.4 du Contrat est valable au regard du droit français, en particulier qu'il ne constitue pas une clause résolutoire potestative au sens de l'art. 1304-2 CCfr.

3. Applicabilité de l'art. 3.4 du Contrat (réalisation de la condition résolutoire)

a) Question

179.

Il s'agit de déterminer si les conditions sont réunies pour que l'art. 3.4 du Contrat s'applique au cas d'espèce.

b) Positions des Parties

180.

La position de la Demanderesse peut être résumée comme suit:

- La Demanderesse est d'avis que, si l'art. 3.4 du Contrat doit être qualifié de condition résolutoire, celle-ci est accomplie et la promesse est résolue144.


- Si l'art. 3.4 du Contrat doit être qualifié de clause résolutoire, il y a inexécution prévue par la clause (absence de conclusion de l'Accord de Partenariat commercial et notification par la Demanderesse à la Défenderesse dans la lettre du 16 octobre 2019) et donc le Contrat est résolu de plein droit145.


- L'art. 3.4 du Contrat constitue un élément essentiel du Contrat146, au point qu'il a été expressément mentionné dans le communiqué de presse de la Demanderesse du 20 mars 2019147. La Demanderesse a précisé son importance tout au long de l’exécution contractuelle, notamment au retour du voyage en Colombie de fin mai 2019148.


- L'art. 3.4 du Contrat prévoit la résolution du Contrat si un Accord de Partenariat commercial n'était pas signé dans un délai de 6 mois à compter de la date de la signature du Contrat pour des raisons autres qu'un simple refus de la Demanderesse de signer un contrat équilibré qui lui aurait été proposé par la Défenderesse. Or, l'Accord de Partenariat commercial n'a jamais été signé149.


- L'Accord de Partenariat commercial qui devait être conclu devait porter sur l'importation et la distribution des produits de la Demanderesse en direct (c'est-à-dire sans importateur) auprès d'hôpitaux en Colombie et en dehors de la Colombie, sur le développement d'un réseau de vente multi-pays en Amérique latine, sur la création d'un centre de référence et de formation chirurgical au sein d'un des hôpitaux de la Défenderesse, sur l'utilisation d'un service d'études cliniques de l'hôpital San Rafael appartenant à la Défenderesse pour réaliser des suivis cliniques de patients opérés avec des produits de la Demanderesse150.


- S'agissant de la centrale d'achats qui aurait dû importer les produits Spineway, les livrer, les fournir aux hôpitaux du groupe et organiser la chaîne logistique pour livrer d'autres établissements, la Demanderesse a dû constater, lors de la rencontre ayant eu lieu fin mai 2019 à Bogota, que celle-ci n'était pas vraiment organisée et que la Défenderesse lui proposait un plan B qui n'a jamais vraiment été concrétisé, ce que la Demanderesse a pu constater lors de la rencontre ayant eu lieu entre S. LE ROUX et L. GERARD fin juillet 2019 à Bruxelles151.


- Au retour du séjour en Colombie de fin mai 2019, le 3 juin 2019, la Demanderesse a directement évoqué l'Accord de Partenariat commercial qui devait être signé152.


- En septembre 2019, la Demanderesse a compris que l'Accord de Partenariat commercial ne serait jamais signé, faute de volonté de la Défenderesse.


- A l'échéance du délai pour la condition résolutoire (le 19 septembre 2019), aucun Accord de Partenariat commercial, qui aurait dû contenir une liste de l'importation des produits de la Demanderesse, la création d'un centre de chirurgie de la colonne vertébrale au sein de la clinique San Rafael et des études cliniques communes avec cet établissement153, n'était conclu. Il n'y avait en particulier pas d'entreprise créée du côté de la Défenderesse pour l'importation de produits de la Demanderesse, et donc pas d'autorisation administrative et donc pas de possibilité d'importer des produits ; il n'y avait plus de contact avec le centre de chirurgie de référence et, pour les études cliniques, il y avait absence de réponse finale ou d’avancées par rapport aux problématiques ou aux questions techniques soulevées par la représentante de la Demanderesse154.


- En l'absence d'un Accord de Partenariat commercial et sans perspective d'un tel Accord, la Demanderesse a décidé de prendre acte de la réalisation de la condition résolutoire prévue dans le Contrat et a adressé une lettre recommandée doublée d'un courriel le 16 octobre 2019 à la Défenderesse155.


- Dans le courrier de la Défenderesse du 28 novembre 2019, celle-ci ne parle que d'un « futur partenariat et une perspective de partenariat », mais aucun projet d'Accord de Partenariat commercial n'est proposé, pas même un début de projet156. Or, en vertu de l'art. 3.4 du Contrat, un tel Accord de Partenariat commercial aurait dû être conclu ou, au moins, proposé par la Défenderesse157. La Défenderesse a donc implicitement reconnu l'accomplissement de la condition résolutoire puisque l'art. 3.4 du Contrat évoque la conclusion effective d'un contrat de partenariat ; de simples discussions ou l'hypothèse d'un accord vague et mal défini ne sont pas suffisantes158.


- Par conséquent, si l'on retient la qualification de la condition résolutoire, il faut admettre qu'elle était accomplie et que le Contrat était résolu159.


- Si l'on admet la qualification de clause résolutoire, il faut se demander si une mise en demeure préalable était nécessaire en vertu de l'art. 1225 CCfr. Premièrement, l'art. 3.4 du Contrat n'exige pas une telle mise en demeure mais prévoit que « la présente Promesse sera résiliée et les Parties seront remises dans leur état initial »160. Deuxièmement, la Défenderesse n'a jamais évoqué cet argument161. Troisièmement, la Demanderesse par S. LE ROUX a communiqué ses inquiétudes à la Défenderesse par L. GERARD162. Enfin, la Défenderesse, à la réception de la notification, n'a pas réagi en proposant un projet d'Accord de Partenariat commercial, elle a laissé les choses en l'état163.


- Par conséquent, si l'on retient la qualification de clause résolutoire, elle est également acquise et effective et les Parties doivent être remises dans leur état initial164.


181.

La Défenderesse ne s'est pas déterminée dans la procédure. En se fondant sur les pièces figurant au dossier, notamment la Pièce Dem-27, la position de la Défenderesse peut être résumée comme suit:

- Il y a eu de nombreuses réunions et discussions soit par téléphone soit de visu, en France et en Colombie, pour parvenir à un Accord de Partenariat commercial165.


- Sur la base de tous les échanges et de toutes les rencontres mentionnées en détail, les principes de l'Accord de Partenariat commercial entre les parties étaient finalisés166.


- A compter de septembre 2019, la Demanderesse n'a aucunement contribué à rendre possible l'Accord de Partenariat commercial contemplé, « [se] niant pratiquement systématiquement » (sic) à répondre aux propositions de la Défenderesse ou à l'aider à faire avancer le processus alors que les parties étaient sur le point de parvenir à un accord final de partenariat commercial et de distribution167.


- L'attitude de la Demanderesse dans les négociations de l'Accord de Partenariat commercial se révèle avoir été tout à fait déloyale et de parfaite mauvaise foi dans la mesure où elle n’avait pour vocation que de se construire un argumentaire pour solliciter la résolution du Contrat, après avoir tiré du profit de l'aura que générait l'Accord de Partenariat commercial en cours de négociation pour lever des fonds168.


- Par conséquent, le Contrat continue de produire ses effets et le défaut d'exercice des obligations auxquelles la Demanderesse est tenue engage sa responsabilité vis-à-vis de la Défenderesse169.


c) Discussion

182.

Il convient d'abord d'examiner si les conditions de réalisation de la condition résolutoire prévue à l'art. 3.4 du Contrat sont remplies. Ensuite, conformément à l'art. 1304-3 CCfr., Il faut vérifier que l'accomplissement de la condition résolutoire n'a pas été provoqué par la partie qui y avait intérêt.

183.

L'art. 3.4 du Contrat prévoit les conditions de réalisation suivantes : « les Parties conviennent de conclure, dans un délai de six (6) mois à compter de la Date de la Promesse, un accord de partenariat commercial et de distribution des produits du Cessionnaire sur les zones d'activité du Cédant ».

184.

En l'espèce, en vertu de l'art. 1.1 du Contrat, la « Date de la Promesse désigne la date des présentes, telle qu'elle figure sur la page de signature de la Promesse »170. Or la date figurant sur la page de signature du Contrat est le 19 mars 2019171. Par conséquent, le délai fixé à l'art. 3.4 du Contrat a expiré six mois après, soit le 19 septembre 2019.

185.

Soulignons d'emblée que la Demanderesse a, dans sa Demande, requis de la Défenderesse la production de « tout accord de partenariat commercial et de distribution des produits tel que prévu à l'art. 3.4 » du Contrat172. Le 24 avril 2021, le Tribunal arbitral a invité la Défenderesse à se déterminer sur la requête de production. Le 10 juin 2021, le Tribunal arbitral a ordonné à la Défenderesse de produire, d'ici au 30 juin 2021, l'Accord de Partenariat commercial dont la production avait été requise par la Demanderesse. Or, la Défenderesse n'a ni fourni le document, ni offert des déterminations expliquant ou justifiant son refus.

186.

En vertu de l'art. 28 al. 3 du Règlement d'arbitrage, « [s]i l'une des parties, régulièrement invitée à produire des documents [...], ne les présente pas dans le délai fixé par le tribunal arbitral, sans démontrer d'empêchement légitime, le tribunal arbitral peut statuer sur la base des éléments de preuve dont il dispose. » Par conséquent, le Tribunal arbitral doit se fonder sur les pièces du dossier pour trancher la question de la réalisation de la condition résolutoire de l'art. 3.4 du Contrat.

187.

L'art. 3.4 du Contrat ne contient pas de précisions quant au contenu de l'Accord de Partenariat commercial. En revanche, les auditions tenues lors de l'Audience du 7 septembre 2021 ont permis d'obtenir des informations pertinentes.

188.

Selon S. LE ROUX, l'Accord de Partenariat commercial devait concerner d'une part l'importation et la distribution des produits de la Demanderesse en direct auprès d'hôpitaux en Colombie, d'autre part le développement d'un réseau de vente multi-pays en Amérique latine ; un autre volet était la création d'un centre de référence et de formation chirurgical au sein de l'hôpital San Rafael de la Défenderesse ; un autre encore était l'utilisation du service d'études cliniques de l'hôpital San Rafael pour réaliser des suivis de patients opérés173.

189.

Ces explications ont été confirmées par les témoins qui ont participé aussi bien à la réunion qui s'est tenue entre les Parties fin mai 2019 à Bogota qu'aux échanges ayant suivi cette réunion entre juin et septembre 2019. La témoin F. LAUCK a confirmé avoir été chargée de la négociation de l'obtention de données cliniques sur les dispositifs médicaux de la Demanderesse174. Le témoin P. CHABERT a indiqué qu'il était chargé du développement du marché colombien en matière de supply chain et du développement du secteur importation-distribution175.

190.

Maintenant que le contenu de l'Accord de Partenariat commercial a été précisé et identifié, il convient de déterminer si un tel accord a été conclu durant le délai prévu à l'art. 3.4 du Contrat ou s'il ne l'a pas été.

191.

Il ressort d'abord du dossier qu'aucun Accord de Partenariat commercial n'a été conclu. La Demanderesse l'allègue expressément176. Quant à la Défenderesse, son courrier du 28 novembre 2019 évoque des discussions en prévision d'un futur partenariat mais ne mentionne aucunement le fait qu'un Accord de Partenariat commercial aurait été conclu, encore moins signé177.

192.

Le 10 juin 2021, le Tribunal arbitral a fixé, dans l'OP n° 2, un second délai à la Défenderesse au 30 juin 2021 pour produire l'Accord de Partenariat ou pour se déterminer sur la requête de production. Dans le délai fixé, la Défenderesse ne s'est pas déterminée et n'a pas produit le document requis par la Demanderesse, dont la production avait été ordonnée par le Tribunal arbitral.

193.

Il ressort ensuite de l’administration des preuves, en particulier de l'audition des Parties et des témoins lors de l'Audience du 7 septembre 2021 qu'aucun Accord de Partenariat n'a été conclu et qu'un tel Accord n'a jamais été proposé par la Défenderesse, contrairement à ce que prévoit l'art. 3.4 du Contrat178.

194.

La témoin F. LAUCK, en charge du volet de l'Accord de Partenariat commercial concernant l'obtention des données cliniques sur les dispositifs médicaux de la Demanderesse, a indiqué qu'après la réunion ayant eu lieu fin mai 2019 en Colombie, elle a eu des échanges avec sa personne de contact, Madame Milena Para, mais qu'elle n'a jamais pu entrer en contact avec des chirurgiens investigateurs et que, pour finir, ces échanges se sont révélés infructueux179.

195.

Le témoin P. CHABERT, en charge de discuter des possibilités de synergies en matière de supply chain, a indiqué que, contrairement à ce que la Défenderesse avait expliqué dans un premier temps, il n'y avait pas en Colombie de centrale d'achats détenue par la Défenderesse, ce qui rendait moins efficace la recherche de synergies et exigeait que la Demanderesse identifie elle-même des interlocuteurs180. Selon lui, il est apparu très vite que la centrale d'achats n'existait pas ou n’existait plus ; le dialogue a ainsi tourné court, faute d'avoir un interlocuteur de la Défenderesse pour parler de ce sujet181.

196.

L'absence de conclusion d'Accord de Partenariat commercial dans le délai contractuel prévu ressort également des propos de la Défenderesse figurant au dossier, en particulier le courrier du 28 novembre 2019. Dans ce courrier, la Défenderesse évoque certes les démarches effectuées en perspective d'un futur partenariat et indique « que nous étions sur le point de parvenir à un accord final de partenariat commercial et de distribution »182. En dépit du fait que la Défenderesse affirme que « les principes de l'accord commercial étaient finalisés »183, le dossier ne contient aucun élément concret venant corroborer ces allégations. On ne trouve notamment ni document écrit faisant état d'un Accord de Partenariat commercial ni projet équilibré d'un tel document proposé par la Défenderesse à la Demanderesse, ainsi que le prévoit l'art. 3.4 du Contrat.

197.

Par conséquent, le Tribunal arbitral constate le « défaut de conclusion effective, pour des raisons autres que le simple refus du Cessionnaire de signer le contrat de partenariat équilibré proposé par le Cédant, dans le délai de six (6) mois »184 à partir de la conclusion du Contrat.

198.

Maintenant que le Tribunal arbitral a établi que la condition résolutoire s'était réalisée, il lui faut encore vérifier que l'accomplissement de la condition résolutoire n'a pas été provoqué par la partie qui y avait intérêt, sans quoi cette condition serait réputée défaillie en vertu de l'art. 1304-3 CCfr.

199.

Le Tribunal arbitral considère que ce n'est pas le cas. D'une part, les faits au dossier tendent à établir que la Demanderesse n'avait pas intérêt à l'accomplissement de la condition résolutoire. En effet, la Demanderesse avait plutôt intérêt à ce qu'un Accord de Partenariat commercial soit conclu et à ce qu'une véritable collaboration entre les deux Parties se mette en place afin de pouvoir développer son activité commerciale en Colombie et en Amérique latine plus largement. D'autre part, le Tribunal arbitral retient que ce n'est pas la Demanderesse qui a provoqué l'accomplissement de la condition résolutoire. Au contraire, c'est la Défenderesse qui n'a pas proposé d'Accord de Partenariat commercial équilibré dans le délai fixé contractuellement. Il a fallu les deux courriers de la Demanderesse des 16 octobre et 6 novembre 2019 pour que la Défenderesse réagisse par courrier du 28 novembre 2019, dans lequel elle n'explique nullement pourquoi elle n'a pas soumis de projet d'Accord de Partenariat commercial, contrairement aux exigences figurant à l'art. 3.4 du Contrat.

200.

Le fait que la Demanderesse n'a pas provoqué l'accomplissement de la condition résolutoire est confirmé par deux éléments supplémentaires :

201.

Lors de son interrogatoire mené durant l'Audience du 7 septembre 2021, le témoin P. CHABERT, en tant que directeur des opérations et personne chargée de la logistique, distribution, importation, gestion des stocks, des éventuelles commandes et des flux de produits185, a indiqué qu'après plusieurs relances, la Demanderesse n'avait pu obtenir que des informations succinctes et peu exploitables qui ne permettaient pas de déterminer l'orientation d'une stratégie commerciale186. Il en résulte que les informations et les éléments en provenance de la Défenderesse étaient Insuffisants pour permettre de conclure un Accord de Partenariat commercial ; on ne peut donc pas reprocher à la Demanderesse d'avoir provoqué la réalisation de la condition résolutoire.

202.

Le 12 septembre 2019, S. LE ROUX a écrit à Carlos Florez - présenté comme le directeur responsable, dans le groupe de la Défenderesse, de la gestion des hôpitaux sur le plan financier - que les Parties devaient conclure l'Accord de Partenariat à très brève échéance (« as we have to settle an Agreement with very short notice »)187. Ce courriel démontre que la Demanderesse a tenté sérieusement, encore quelques jours avant l'échéance du délai de six mois, de provoquer la conclusion d'un Accord de Partenariat commercial. Rien dans le dossier ne vient établir une réaction de la Défenderesse dans les délais prévus contractuellement.

203.

Par conséquent, la condition résolutoire n'a pas été provoquée par la partie qui y avait intérêt et n'est donc pas réputée défaillie en vertu de l'art. 1304-3 CCfr.

204.

En définitive, le Tribunal arbitral considère que les Parties n'ont pas conclu d'Accord de Partenariat commercial dans le délai prévu à l'art. 3.4 du Contrat, et que les raisons pour cette absence de conclusion de l'Accord de Partenariat commercial sont autres que le simple refus de la Demanderesse de signer un Accord de Partenariat commercial équilibré proposé par la Défenderesse.

205.

Par conséquent, les conditions de l'art. 3.4 du Contrat sont remplies et le régime prévu dans cette disposition - qui sera précisé dans les paragraphes suivants (infra N 206 ss) - est applicable au cas présent.

4. Conséquence de l'applicabilité de l'art. 3.4 du Contrat

a) Question

206.

Il s'agit de déterminer quelles sont les conséquences découlant de l'applicabilité de l'art. 3.4 du Contrat.

b) Positions des Parties

207.

La position de la Demanderesse peut être résumée comme suit:

- La Demanderesse, se fondant sur l'Expertise Nourissat, est d'avis que, quelle que soit la qualification retenue - condition résolutoire ou clause résolutoire - le Contrat doit être considéré comme résolu188.


- Si l'art. 3.4 du Contrat doit être qualifié de condition résolutoire, celle-ci est accomplie et la promesse est résolue189. Si l'on retient la qualification de clause résolutoire, elle est également acquise et effective et les Parties doivent être remises dans leur état initial190.


- Vu que, par courrier du 16 octobre 2019, la Demanderesse a dû prendre acte de la résolution du Contrat et de ses avenants en application de l'art. 3.4 du Contrat, elle a demandé à la Défenderesse la restitution des sommes versées, soit 4,16 millions d'euros tout en s'engageant, en contrepartie à signer les ordres de virement pour restituer les parts du Fonds à la Défenderesse191.


- Le Tribunal arbitral, une fois qu'il a constaté l'accomplissement de la condition résolutoire, doit ordonner la remise en état initial dans lequel se trouvaient les Parties avant la signature du Contrat et, par voie de conséquence, condamner la Défenderesse à restituer le prix payé et les frais associés192.


- En vertu de l'art. 1188 CCfr., il faut s'attacher à la volonté des Parties au-delà de la lettre retenue dans le Contrat193.


- Vu que l'Accord de Partenariat commercial n'a pas été conclu, la volonté des Parties était de lier le sort du Contrat, des sommes versées en exécution de ce Contrat et des titres apportés en exécution de ce Contrat, à la conclusion de l'Accord de Partenariat commercial qui n'a jamais été conclu par les Parties ni même proposé par la Défenderesse194.


- Il faut remettre les Parties dans l'état où elles se trouvaient avant le Contrat, comme si S. LE ROUX et L. GERARD ne s'étaient jamais rencontrés à la Gare de Lyon : il n'y aurait pas eu de paiement, pas eu d'apport de titres et pas de frais liés à la négociation et aux audits195.


- Par « indemnité » figurant à l'art. 3.4 du Contrat, il faut comprendre ce que S. LE ROUX a dit dans son interrogatoire : il ne doit pas y avoir de sanction, de dommages-intérêts, chacun reprend ce qu'il a apporté et on en reste là196.


- Par conséquent, il faut restituer le prix de cession versé, soit les quatre versements faits en 2019, soit trois fois 1 million d'euros et une fois 1,16 million d'euros, qui n'ont jamais été restitués par la Défenderesse197.


- A cette somme s'ajoutent les intérêts de retard en vertu de l'art. 1352-6 CCfr. qui prévoit que la « restitution d'une somme d'argent inclut des intérêts au taux légal et des taxes acquittées entre les mains de celui qui l'a reçue », cette disposition étant d'ordre public198.


- La Défenderesse doit aussi rembourser à la Demanderesse ses frais pour une somme de EUR 250'329,21 (recte : 252'329,31) HT199.


- La Demanderesse, une fois qu'elle aura reçu les montants en retour, s'engage à signer des ordres de mouvement pour restituer les titres du Fonds, afin de défaire les choses et de divorcer d'avec la Défenderesse200.


208.

La Défenderesse ne s'est pas déterminée dans la procédure. En se fondant sur les pièces figurant au dossier, notamment la Pièce Dem-27, la position de la Défenderesse peut être résumée comme suit:

- la Défenderesse considère que le contrat continue de produire ses effets et que la Demanderesse engage sa responsabilité201.


c) Discussion

209.

Le Tribunal arbitral a décidé ci-dessus (supra N 205) que les conditions de l'art. 3.4 du Contrat étaient remplies et que le régime prévu dans cette disposition était applicable. Reste donc à préciser le régime de la condition résolutoire, en commençant par décrire le régime légal, puis en le comparant au régime contractuel retenu par les Parties.

210.

Selon l'art. 1304-7 CCfr., « [l]'accomplissement de la condition résolutoire éteint rétroactivement l'obligation, sans remettre en cause, le cas échéant, les actes conservatoires et d'administration. »

211.

Selon l'art. 1304-7 al. 2 CCfr., « [l]a rétroactivité n'a pas lieu si telle est la convention des parties ou si les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat ». On distingue donc deux exceptions possibles au principe de rétroactivité en cas de réalisation de la condition résolutoire : d'une part, une convention des parties en ce sens, d'autre part, la situation où les prestations échangées ont été utiles au fur et à mesure de l'exécution réciproque.

212.

S'agissant de la première exception, les Parties n'ont pas convenu de renoncer à la règle de la rétroactivité de la résolution. Une lecture de l'art. 3.4 du Contrat suffit pour s'en convaincre : le texte contractuel ne fait aucunement allusion à l'absence de rétroactivité ; au contraire, l’expression « les Parties seront remises dans leur état initial »202 signifie que les Parties ont voulu l'effet rétroactif en cas de réalisation de la condition résolutoire.

213.

S'agissant de la seconde exception, elle ne concerne pas l'hypothèse du présent Contrat qui, rappelons-le, est une promesse synallagmatique de vente et d'achat de titres, mais des prestations contractuelles qui ne peuvent pas être effacées rétroactivement, encore moins restituées, comme la mise à disposition d'un local durant un bail203. La seconde exception n'est donc pas applicable en l'espèce204.

214.

A teneur de l'art. 3.4 du Contrat, si la condition résolutoire se réalise, « la présente Promesse sera résiliée et les Parties seront remises dans leur état initial »205. A titre exemplatif, l'art. 3.4 du Contrat rajoute que « l'achat des Parts effectué depuis lors sera résilié et les sommes versées par le Cessionnaire lui seront restituées par le Cédant, le tout sans indemnité de part, ni d'autre »206.

215.

Le Tribunal arbitral constate que les effets prévus par l'art. 3.4 du Contrat sont classiques dans le cadre d'une condition résolutoire et correspondent largement au régime légal, notamment de l'art. 1304-7 CCfr., qui a une nature dispositive207. D’une part, l'existence du Contrat prend fin avec effet rétroactif et les Parties sont remises dans leur état Initial. D'autre part, cela signifie en particulier que l'achat des Parts effectué par la Demanderesse tombe avec effet rétroactif et que la Demanderesse peut réclamer les sommes déjà versées à la Défenderesse. On notera que l'utilisation de l'expression « la présente Promesse sera résiliée »208 ne modifie pas le régime légal : vu que l'art. 3.4 du Contrat prévoit expressément un effet rétroactif à cette résiliation, il s'agit en définitive d'une résolution dont le régime correspond à celui prévu par l'art. 1304-7 CCfr.209.

216.

Reste à déterminer si le régime contractuel décrit ci-dessus permet à la Demanderesse de formuler les prétentions contenues dans les conclusions de sa demande (infra N 217 ss).

D. Prétentions de la Demanderesse

217.

Le présent chapitre traite des prétentions de la Demanderesse :

- Il s'agit d'abord de la prétention visant à condamner la Défenderesse à verser à la Demanderesse la somme en principal de EUR 4'160'000.-, au titre du prix partiel versé en exécution du Contrat, tout en donnant acte de l'engagement de la Demanderesse de restituer à la Défenderesse l'intégralité des parts A et des parts B du Fonds (infra N 218 ss).


- Il s'agit ensuite de la prétention visant à condamner la Défenderesse à verser la somme de EUR 252'329,21 (outre la TVA pour les factures assujetties à cette taxe) pour les frais exposés par la Demanderesse pour la négociation de la promesse, pour la conclusion de celle-ci ainsi que pour la réalisation des audits (infra N 232 ss).


- Il s'agit enfin de la prétention visant à condamner la Défenderesse au paiement des intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2019 sur la somme en principal de EUR 4160'000.- (infra N 248).


Un récapitulatif clôt cette partie (infra N 260).


1. Prétention en versement de EUR 4'160'000.- et engagement à signer les ordres de mouvements de titres afin de restituer l'intégralité des parts A et des parts B du Fonds

a) Question et méthodologie

218.

Il s'agit de déterminer si la prétention de la Demanderesse en restitution de EUR 4’160'000.- au titre du prix partiel versé en exécution du Contrat et de ses avenants210, est justifiée tant sur le principe que sur le montant.

219.

Il s'agit également de déterminer s'il faut donner acte à la Demanderesse de son engagement à signer les ordres de mouvements de titres afin de restituer à la Défenderesse l'intégralité des parts A et des parts B du Fonds.

b) Positions des Parties

220.

La Demanderesse réclame EUR 4'160’000.- (TTC) et demande que le Tribunal arbitral lui donne acte qu'elle s'engage à signer les ordres de mouvements de titres afin de restituer à la Défenderesse l’intégralité des parts A et des parts B du Fonds, et ce dans un délai d’un mois après avoir reçu l'intégralité de la somme susmentionnée outre intérêts au taux légal211, et le justifie comme suit :

- Les art. 1304-7 CCfr. (condition résolutoire) et l’art. 1229 CCfr. (clause résolutoire) prévoient l'obligation de restituer les montants en principal212.


- L'art. 3.4 du Contrat prévoit que « [l]a présente Promesse sera résiliée et les Parties seront remises dans leur état initial. Notamment, l'achat des Parts effectué depuis lors sera résilié et les sommes versées par le Cessionnaire lui seront restituées par le Cédant, le tout sans indemnité de part et d'autre »213.


- La Demanderesse a procédé à l'ensemble des paiements pour un montant de EUR 4'160'000.-, dont les ordres de virement sont contenus dans les pièces Dem-12, 14, 16 et 18, ainsi que les pièces Dem-13, 15, 17 et 31 pour les transferts de parts du Fonds214.


- Le montant de EUR 4'160'000.- n'a pas été restitué par la Défenderesse à la Demanderesse, en violation de l'art. 3.4 du Contrat215.


221.

La Défenderesse ne s'est pas déterminée à ce sujet dans la procédure mais il ressort des pièces du dossier qu'elle s'oppose à toute restitution puisqu'elle est d'avis que le Contrat continue de produire des effets216.

c) Discussion

222.

En se fondant sur les développements précédents (supra N 151-216), le Tribunal arbitral tranche le litige comme suit :

223.

Le fondement contractuel applicable est l'art. 3.4 du Contrat. Selon cette disposition, « la présente Promesse sera résiliée et les Parties seront remises dans leur état initial. Notamment, l'achat des Parts effectué depuis lors sera résilié et les sommes versées par le Cessionnaire lui seront restituées par le Cédant, le tout sans indemnité de part, ni d'autre »217.

224.

Le Tribunal arbitral a déjà constaté que l'art. 3.4 du Contrat reprend le mécanisme prévu à l'art. 1304-7 CCfr., qui prévoit que l'accomplissement de la condition résolutoire éteint rétroactivement le contrat, ce qui impose une restitution des prestations déjà effectuées en vertu du Contrat (supra N 215).

225.

En l'espèce, le Tribunal arbitral considère comme prouvé que la Demanderesse a effectué, en vertu du Contrat, les versements suivants aux dates suivantes en faveur de la Défenderesse :

- EUR 1'000’000.-, le 15 mai 2019218 ;


- EUR 1'000'000.-, le 5 juillet 2019219 ;


- EUR 1'000'000.-, le 31 juillet 2019220 ;


- EUR 1'160'000.-, le 27 septembre 2019221.


226.

En contrepartie de ces versements, le Tribunal arbitral considère comme prouvé que la Défenderesse a transféré à la Demanderesse les titres suivants aux dates suivantes, en vertu du Contrat :

- 750 parts A du Fonds et 250 parts B du Fonds, le 16 mai 2019222 ;


- 750 parts A du Fonds et 250 parts B du Fonds, le 1er juillet 2019223 ;


- 750 parts A du Fonds et 250 parts B du Fonds, le 1er août 2019224 ;


- 870 parts A du Fonds et 250 parts B du Fonds, le 2 octobre 2019 (date du bulletin de transfert) ou le 17 juillet 2020 (courriel de la Défenderesse à la Demanderesse)225.


227.

En vertu du régime prévu par l'art. 3.4 du Contrat et en raison de la réalisation de la condition résolutoire prévue dans cette disposition, les Parties ont l'obligation de se restituer les prestations déjà effectuées en exécution du Contrat.

228.

Par conséquent, la Défenderesse doit être condamnée à restituer à la Demanderesse la somme de EUR 4’160'000.- versée au titre du prix partiel en exécution du Contrat, parce que celui-ci est éteint rétroactivement en vertu de la réalisation de la condition résolutoire prévue à l'art. 3.4 du Contrat.

229.

Vu le caractère synallagmatique du Contrat, la restitution des prestations par une partie n'a lieu que si l'autre partie restitue également les prestations reçues ou offre sérieusement de les restituer226.

230.

En l'espèce, la Demanderesse non seulement réclame la restitution du prix partiel versé à la Défenderesse, mais s'est aussi engagée à signer les ordres de mouvements de titres pour restituer les parts A et les parts B du Fonds à la Défenderesse. Cela ressort de son courrier recommandé du 16 octobre 2019227, de la Demande228, et de ses conclusions formulées lors des plaidoiries finales de l'Audition du 7 septembre 2021229.

231.

En conclusion, le Tribunal arbitral condamne la Défenderesse à payer à la Demanderesse la somme en principal de EUR 4'160'000.- au titre du prix partiel versé en exécution du Contrat et de ses avenants et donne acte à la Demanderesse qu'elle s'engage à signer les ordres de mouvements de titres afin de restituer à la Défenderesse l'intégralité des parts A et des parts B du Fonds, dans un délai d'un mois après avoir reçu l'intégralité de la somme de EUR 4'160'000.- et des éventuels intérêts dus, qui font l'objet des discussions ci-dessous (infra N 248 ss).

2. Prétention en versement de EUR 252'329.21

a) Question et méthodologie

232.

Il s'agit de déterminer si la prétention de la Demanderesse en versement de EUR 252'329.21 au titre des frais exposés par la Demanderesse pour la négociation du Contrat, pour sa conclusion ainsi que pour la réalisation des audits est justifiée tant sur le principe que sur le montant.

b) Positions des Parties

233.

La Demanderesse demande le remboursement de EUR 252'329.21 outre la TVA pour les factures assujetties à cette taxe pour les frais exposés par la Demanderesse pour la négociation du Contrat, pour sa conclusion ainsi que pour la réalisation des audits230. Elle justifie sa prétention comme suit :

- La Demanderesse a engagé de nombreux frais, qui sont chiffrés dans la Demande à EUR 252’329.21 (HT)231.


- La résolution du Contrat justifie que les frais assumés par la Demanderesse, pour une opération résolue en raison de l'inaction fautive de la Défenderesse, lui soient remboursés232.


- Vu que l'Accord de Partenariat commercial n'a pas été conclu, il faut remettre les Parties dans l'état où elles se trouvaient avant le Contrat, comme si S. LE ROUX et L. GERARD ne s'étaient jamais rencontrés à la Gare de Lyon : il n'y aurait pas eu de paiement, pas eu d'apport de titres et pas de frais liés à la négociation et aux audits233.


- Le Contrat exclut les indemnités mais il dit aussi que les Parties doivent être remises en l'état antérieur où elles se trouvaient avant la signature du Contrat ; si le Contrat n'avait pas été signé, la Demanderesse n'aurait jamais exposé ces frais, n'aurait jamais négocié le Contrat, n'aurait jamais demandé à plusieurs société colombiennes de faire des audits. Les factures de ces frais se trouvent dans la Pièce Dem-30234.


234.

La Défenderesse ne s'est pas déterminée à ce sujet dans la procédure mais il ressort des pièces du dossier qu'elle s'oppose à tout paiement puisqu'elle est d'avis que le Contrat continue de produire des effets235.

c) Discussion

235.

Après avoir rappelé le fondement contractuel, il s'agira de l'appliquer aux faits de la cause et d'en tirer les conclusions qui s'imposent.

236.

Le régime légal des effets d'une condition résolutoire est dispositif et supplétif236, raison pour laquelle il se justifie de se fonder en priorité sur le régime conventionnel prévu dans le Contrat.

237.

A teneur de l'art. 3.4 du Contrat, « la présente Promesse sera résiliée et les Parties seront remises dans leur état initial. Notamment, l'achat des Parts effectué depuis lors sera résilié et les sommes versées par le Cessionnaire lui seront restituées par le Cédant, le tout sans indemnité de part, ni d'autre »237.

238.

En l'espèce, s'il ne fait aucun doute que les prestations échangées entre les Parties avant l'avènement de la condition résolutoire doivent être restituées, Il convient d'interpréter le contenu de l'art. 3.4 du Contrat pour savoir si la Demanderesse est autorisée à réclamer de la Défenderesse le paiement de la somme de EUR 252’329.21 pour les frais de négociation du Contrat, pour les frais de conclusion ainsi que pour la réalisation des audits prévus dans le Contrat.

239.

Le fondement contractuel pertinent pour analyser le bien-fondé de cette prétention est la partie de l'art. 3.4 du Contrat qui affirme « [...] le tout sans indemnité de part, ni d'autre ».

240.

En vertu de l'art. 1188 CCfr., « [l]e contrat s'interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation »238.

241.

Interrogé par le Tribunal arbitral, le représentant de la Demanderesse, S. LE ROUX, a affirmé que l'expression « le tout sans indemnité de part, ni d'autre » dans la clause 3.4 du Contrat signifie qu’en cas de manque à gagner pour la Demanderesse, elle ne pourrait pas réclamer de compensation pour le chiffre d'affaires non réalisé239.

242.

Faute d'autres éléments probants dans le dossier permettant d'identifier la commune intention des Parties lors de la conclusion du Contrat, faute également d'éléments probants confirmant que les déclarations de S. LE ROUX durant son audition du 7 septembre 2021 correspondent à la commune intention des Parties au moment de la conclusion du Contrat, le Tribunal arbitral ne retient pas l'interprétation de l'art. 3.4 du Contrat proposée par S. LE ROUX, puisqu'il ne s'agit que de l'intention d'une seule des Parties, la Demanderesse240.

243.

Par conséquent, il convient de déterminer le sens que donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. Une lecture raisonnable de l'art. 3.4 du Contrat conduit le Tribunal arbitral à admettre que, si la condition résolutoire se réalise, les Parties ont une obligation réciproque de restituer les prestations que l'une a déjà exécutées en faveur de l'autre. En revanche, le fait que l'art. 3.4 du Contrat prévoit que la restitution des prestations aura lieu, « le tout sans indemnité de part, ni d’autre », doit être compris en ce sens que les Parties ne peuvent pas réclamer des dommages-intérêts pour les éventuels préjudices qu'elles ont subis en raison de la résolution du Contrat. L'Expert Nourissat, même s'il n'a pas été interrogé exactement sur ce point, semble aller également dans le même sens lorsqu'il affirme qu' « à aucun moment, une quelconque indemnisation, sanction pécuniaire n'ait été stipulée par les Parties [...] »241.

244.

Par conséquent, les éventuels efforts qu'une Partie aura fournis, ainsi que les dépenses qu'elle aura consenties en lien avec la négociation, la conclusion et l'exécution du Contrat résolu, ne peuvent pas faire l'objet d'une prétention en paiement d'une indemnité. En outre, et comme l'a justement souligné S. LE ROUX242, il en va de même des éventuels gains manqués qu'une Partie pourrait faire valoir en lien avec la résolution rétroactive du Contrat découlant de la réalisation de la condition résolutoire.

245.

En l'espèce, la Demanderesse réclame le paiement d'un montant de EUR 252'329.21 pour des frais qu'elle aurait supportés en lien avec la négociation du Contrat, la conclusion de celui-ci ainsi que pour la réalisation des audits prévus dans le Contrat. Nonobstant le fait que certaines factures (p.ex. Novances Corporate Finance) présentées par la Demanderesse ne permettent pas de définir précisément les prestations facturées, nonobstant également le fait que certaines factures (p.ex. AEC Partners) sont relatives à des prestations qui ne semblent pas être en lien direct avec la négociation du Contrat, avec la conclusion de celui-ci, ou avec la réalisation des audits prévus dans le Contrat, le Tribunal arbitral considère que tous ces montants constituent des prestations versées par la Demanderesse à des tiers, au nombre desquels Mazars Gourgue, Fernand Carie, Markos P. Spanos & Co Advocates, Parra Rodriguez Abogados S.A.S., Lamy Lexel, Pepper Hamilton LLP, Pinto Ruiz & Del Valle S.L., Novances Corporate Finance et AEC Partners, et qu'ils doivent être qualifiés d'« indemnités » au sens de l'art. 3.4 du Contrat.

246.

En effet, la Demanderesse considère avoir subi une diminution de son patrimoine et ne réclame pas ces montants aux entités qui ont été les destinataires des versements mais à la Défenderesse ; il s'agit donc d'une prétention en dommages-intérêts contre la Défenderesse, que l'on doit qualifier d'« indemnité » au sens du Contrat. Vu la teneur de l'art. 3.4 du Contrat, cette qualification exclut toute possibilité de réclamation de ces montants par la Demanderesse à la Défenderesse.

247.

Par conséquent, en vertu du régime contractuel retenu par les Parties à l'art. 3.4 du Contrat en cas de réalisation de la condition résolutoire, le Tribunal arbitral rejette la prétention de la Demanderesse en paiement de la somme de EUR 252'329.21.

3. Créances d'intérêts

a) Question et méthodologie

248.

Il s'agit de déterminer si la somme admise en principal (supra N 231 ss) est porteuse d'intérêts au taux légal et, si oui, à partir de quelle date.

b) Positions des Parties

249.

La Demanderesse réclame, pour la prétention en principal de EUR 4’160’000.-, des intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2019243, qu'elle justifie comme suit :

- L'art. 1352-6 CCfr. prévoit que la « restitution d'une somme d'argent inclut des intérêts au taux légal et des taxes acquittées entre les mains de celui qui l'a reçue », cette disposition étant d'ordre public244. Or la Demanderesse réclame une somme d'argent.


- Le taux réclamé est le taux légal, qui est mis à jour chaque semestre par arrêté ministériel et dont la valeur figure dans la Demande245.


- L'art. 1352-7 CCfr. prévoit que celui « qui a reçu de bonne foi ne les doit qu'à compter du jour de la demande »246. En l'espèce, la Défenderesse était de bonne foi puisqu'elle les a reçus au titre du Contrat ; en revanche, dès le 19 octobre 2019, date à laquelle la Demanderesse a pris acte de la résolution du Contrat et qui correspond à la demande de restitution, les intérêts au taux légal doivent commencer à counr247.


250.

La Défenderesse ne s'est pas déterminée à ce sujet dans la procédure, mais il ressort des pièces du dossier qu'elle s'oppose à tout paiement d'intérêts puisqu'elle est d'avis que le Contrat continue de produire des effets248.

c) Discussion

251.

Selon l'art. 1352-6 CCfr., « [l]a restitution d'une somme d'argent inclut les intérêts au taux légal et les taxes acquittées entre les mains de celui qui l'a reçue ».

252.

Dans le cas présent, les motifs précédemment exposés ont permis de déterminer que la Défenderesse doit restituer une somme d'argent (EUR 4'160'000.-) à la Demanderesse (supra N 231). En vertu de l'art. 1352-6 CCfr., la Défenderesse doit s'acquitter de l'intérêt au taux légal sur le montant énoncé ci-dessus.

253.

Reste à déterminer le point de départ (dies a quo) de ces intérêts.

254.

Pour la créance en restitution du prix partiel de EUR 4'160'000.- versé en exécution du Contrat et de ses avenants, la Demanderesse fixe le point de départ des intérêts au taux légal en date du 16 octobre 2019249.

255.

Selon l'art. 1352-7 CCfr., « [c]elui qui a reçu de mauvaise foi doit les intérêts, les fruits qu'il a perçus ou la valeur de la jouissance à compter du paiement. Celui qui a reçu de bonne foi ne les doit qu'à compter du jour de la demande ».

256.

En l'espèce, la Demanderesse n'allègue pas que la Défenderesse était de mauvaise foi lorsqu'elle a reçu les diverses tranches de paiement pour un montant total de EUR 4'160'000.-. Les éléments du dossier ne mènent pas à une conclusion différente.

257.

Le 16 octobre 2019, la Demanderesse a adressé un courrier recommandé ainsi qu'un courriel à la Défenderesse. Cet envoi mentionne que la Demanderesse demande à la Défenderesse « de procéder au virement des 4 160 000 euros correspondant à l'ensemble des sommes versées au titre du paiement partie résultant de l'Exercice Initial de la Promesse, conformément à l'article 5.1 de la Promesse, sur le compte bancaire de Spineway à compter du 23 octobre 2019, et avant le 6 novembre 2019 »250. Le courrier recommandé a été réceptionné le 21 octobre 2019251. Le courriel a été adressé le 16 octobre 2019 à 17h10252.

258.

A la lecture des pièces du dossier et plus particulièrement du courrier recommandé du 16 octobre 2019253, la Demanderesse a réclamé le paiement du montant de EUR 4'160’000.- à partir du 23 octobre 2019, accordant en cela un sursis à la Défenderesse, ce qui a pour effet de retarder le point de départ des intérêts légaux. Par conséquent, il convient de fixer le point de départ des intérêts au 23 octobre 2019.

259.

Par conséquent, la créance de la Demanderesse envers la Défenderesse en restitution de la somme d'argent de EUR 4’160'000.- doit inclure les intérêts légaux à partir du 23 octobre 2019.

E. Récapitulatif concernant les prétentions

260.

Il découle des développements qui précèdent que le Tribunal arbitral a tranché les prétentions de la Demanderesse comme suit :

(i) La prétention de la Demanderesse envers la Défenderesse en restitution du montant de EUR 4'160'000.- est admise, avec intérêts au taux légal à partir du 23 octobre 2019, tout en donnant à la Demanderesse acte de son engagement à signer les ordres de mouvements de titres afin de restituer à la Défenderesse l’intégralité des parts A et des parts B du Fonds dans un délai d'un mois après avoir reçu l'intégralité de la somme de EUR 4’160'000 outre intérêts au taux légal ;


(ii) La prétention de la Demanderesse envers la Défenderesse en restitution du montant de EUR 252'329.21 est rejetée.


F. Coûts de l'arbitrage et frais et dépens des Parties

1. Question

261.

Le Tribunal arbitral doit répartir les coûts de l'arbitrage, qui comprennent en particulier d'une part les honoraires et frais du Tribunal arbitral et, d'autre part, les frais et dépens des parties.

2. Position des Parties

262.

La Demanderesse a conclu, dans ses plaidoiries finales, à ce que la Défenderesse soit condamnée à payer à la Demanderesse au paiement de l'intégralité des coûts de l'arbitrage, y compris les honoraires et/ou débours dus à Swiss Chambers' Arbitration et au Tribunal arbitral et avancés par la Demanderesse254.

263.

Dans son état de frais rectificatif du 30 septembre 2021, (a Demanderesse conclut à ce que le Tribunal arbitral condamne la Défenderesse à payer à la Demanderesse les montants de CHF 23’424.70 (ou la contrevaleur, soit EUR 21’480.45) et EUR 110’857.06 (ou la contrevaleur, soit CHF 122’345.17) à titre de frais et honoraires ; en outre, le Tribunal arbitral doit condamner la Défenderesse à payer à la Demanderesse le montant de CHF 128’000.- (ou la contrevaleur, soit EUR 117’376.-) à titre d'honoraires et/ou débours de la Swiss Chambers' Arbitration Institution et du Tribunal arbitral et avancés par la Demanderesse255.

264.

Elle justifie sa position comme suit :

- Elle se fonde sur les art. 38 et 40 Règlement d'arbitrage256.


- Elle justifie ses conclusions par les comportements des Parties257.


- Dans son décompte de frais adressé le 21 septembre 2021 et corrigé le 30 septembre 2021, la Demanderesse fait valoir des honoraires et frais pour EUR 110'857.06 et CHF 23'424.70, dont :


(i) CHF 21'632.20 et EUR 94'887,46 de frais et honoraires d'avocats au 21 septembre 2021,


(ii) CHF 1'000.- et EUR 1'000.- de frais à intervenir,


(iii) CHF 2'122.- (pro memoria) pour la salle d'audience à Genève, car ce montant est déjà contenu dans une facture de Me Canonica, conseil de la Demanderesse,


(iv) EUR 3'748.30.- pour les frais et honoraires de la sténotypiste,


(v) CHF 449.50, CHF 343.-, EUR 40.44 et EUR 38.50 pour les frais de la Demanderesse, et


(vi) EUR 11'142.36 pour les frais et honoraires de l’expert Nourissat.


- Dans le même décompte, la Demanderesse fait aussi valoir des avances de frais procéduraux pour un total de CHF 128'000.-, dont :


(i) CHF 6'000.- pour les frais d’enregistrement du Swiss Arbitration Centre,


(ii) CHF 122'000.- pour frais et honoraires du Tribunal arbitral.


265.

La Défenderesse ne s'est pas déterminée à ce sujet dans la procédure.

3. Discussion

266.

Selon l'art. 38 Règlement d'arbitrage, la sentence doit contenir une détermination des frais de l'arbitrage. Le terme de « frais » comprend uniquement : (a) les honoraires des membres du tribunal arbitral, indiqués séparément pour chaque arbitre et tout secrétaire, et fixés par le tribunal arbitral lui-même conformément aux articles 39 et 40(3) à (5) du Règlement d'arbitrage ; (b) les frais de déplacement et autres dépenses faites par le tribunal arbitral et tout secrétaire ; (c) les frais encourus pour toute expertise ou pour toute autre assistance requise par le tribunal arbitral ; (d) les frais de déplacement et autres indemnités des témoins, dans la mesure où ces dépenses ont été approuvées par le tribunal arbitral ; (e) les frais en matière de représentation ou d'assistance juridique, si de tels frais ont été réclamés durant la procédure d'arbitrage et dans la mesure où le tribunal arbitral en juge le montant raisonnable ; (f) les frais d'enregistrement et les frais administratifs conformément à l'Annexe B (Barème des frais) du Règlement d'arbitrage ; (g) les frais d'enregistrement, les frais et dépenses de tout arbitre d'urgence, et les frais d'expertise et de toute autre assistance requise par l'arbitre d'urgence, déterminés selon l'article 43(9) du Règlement d'arbitrage.


267.

Après avoir arrêté le montant des coûts de l'arbitrage (infra N 268 ss) et le montant des dépens (infra N 280 ss), qui constituent les frais de l'arbitrage au sens de l'art. 38 du Règlement d'arbitrage, le Tribunal arbitral procédera à la répartition des coûts de procédure et des dépens (infra N 288 ss).

a) Montant des coûts de l'arbitrage

268.

Selon l'art. 39 al. 1 du Règlement d'arbitrage, les honoraires et dépenses du tribunal arbitral doivent être raisonnables, compte tenu du montant litigieux, de la complexité de l'affaire soumise à l'arbitrage, du temps passé et de toutes autres circonstances pertinentes du cas d'espèce, y compris la cessation de la procédure arbitrale en cas de transaction.

269.

Le montant litigieux : Le montant litigieux est de EUR 4'412’329.21.

270.

Les honoraires et frais du Tribunal arbitral : Le Tribunal arbitral a étudié le dossier, préparé et dirigé une conférence d'organisation de la procédure ainsi qu'une conférence d'organisation de l'audition de témoins et de plaidoiries finales, rendu cinq ordonnances de procédure et procédé à de nombreuses notifications de documents, préparé et mené une audience d'audition de témoins et de plaidoiries finales, ainsi que clôt la procédure et rédigé la présente sentence.

271.

La non-participation de la Défenderesse a certes limité le nombre d'écritures à traiter, mais le Tribunal arbitral souligne le caractère complexe de la procédure en raison même de l'absence de participation de la Défenderesse : il a ainsi fallu effectuer des démarches particulières en matière d'organisation initiale de l'arbitrage (faute de proposition commune des parties), de conduite de l'arbitrage (p.ex. notifications complexes, multiples et coûteuses tout au long de la procédure, en particulier pour les ordonnances de procédure et pour les autres communications) et de rédaction de la sentence (examen approfondi du dossier afin de vérifier l'état de fait pertinent, les conditions légales applicables et examen du degré de preuve suffisant, tout en respectant le principe de disposition et la maxime des débats). A ce titre, le Tribunal arbitral souligne les efforts et les frais exceptionnels relatifs à l'accompagnement de la notification des documents procéduraux dus au défaut de la Défenderesse et aux complications découlant de la pandémie COVID-19. Il a en effet fallu qu'un assistant juriste consacre près de 54,5 heures aux préparatifs et à l'accompagnement de la notification par coursier des différents documents de la procédure.

272.

Le Tribunal arbitral a consacré 199,35 heures à la présente procédure.

273.

En application des critères figurant à l’art. 39 al. 1 du Règlement d'arbitrage, le Tribunal arbitral fixe ses honoraires à CHF 109'391.14. Cette détermination des coûts a été approuvée par la Cour le 14 janvier 2022, conformément à l'art. 40 al. 4 du Règlement d'arbitrage.

274.

Les frais. L'activité du Tribunal arbitral a entraîné les frais suivants :

Frais Montant (CHF)

Frais bancaires pour les avances consignées 140.00

Frais pour l'audience du 7 septembre 2021 (hôtel, repas, déplacement...) pour l'arbitre et ses auxiliaires 1'161.00

Frais de port (courrier postal, coursier...) 1’672.50

Autre frais (copies...) 101.20

TOTAL 3'074.70

275.

En résumé, le Tribunal arbitral a consacré le nombre d'heures suivant et a eu des frais correspondant au montant suivant :

Heures Honoraires (CHF)

TOTAL 199.35 heures 109'391.14

276.

Les frais administratifs. Selon l'Annexe B du Règlement d'arbitrage (Barème des frais ; éd. 2012), le montant des frais administratifs se montent à CHF 9'499.- et sont dus au Swiss Arbitration Centre, en sus des frais d'enregistrement.

277.

Les avances de frais fournies par les Parties. Les Parties ont payé les avances de frais suivantes requises par le Tribunal arbitral :

Partie Avance (CHF)

Demanderesse 121’964.84

Défenderesse 0.00

278.

Il convient d'y rajouter les frais d'enregistrement non remboursables du Swiss Arbitration Centre pour un montant de CHF 6’000.-.

279.

Les coûts totaux de l'arbitrage sont résumés dans le tableau suivant ; les coûts doivent être déduits de l'avance de frais effectuée par les Parties (à savoir CHF 121’964.84) et des frais d'enregistrement (à savoir CHF 6’000.-) :

Thème Montant (CHF)

Honoraires du Tribunal arbitral 109’391.14

Frais du Tribunal arbitral 3’074.70

Frais administratifs 9'499.00

SOUS-TOTAL 121’964.84

Frais d'enregistrement non remboursables 6’000.00

TOTAL des coûts de l'arbitrage 127’964.84

b) Montant des dépens des Parties

280.

Les dépens des Parties comprennent les honoraires de leurs Conseils et les frais relatifs à la défense de leurs intérêts, en particulier les frais liés à la logistique des audiences, aux expertises diligentées sous l'égide du Tribunal arbitral, aux honoraires et frais des experts de parties, aux éventuelles indemnités pour les personnes entendues et aux autres frais.

281.

Suivant la classification retenue ci-dessus, le Tribunal arbitral constate que la Demanderesse fait valoir les dépens suivants :

(i) Frais et Honoraires des Conseils en CHF CHF 21'632.20

(ii) Frais et Honoraires des Conseils en EUR EUR 94'887.46

(iii) Estimation des frais et honoraires d'avocats à intervenir CHF 1'000.00

(iv) Estimation des frais et honoraires d'avocats à intervenir EUR 1'000.00

(v) Frais et Honoraires de la sténotypiste EUR 3'748.30

(vi) Frais d'experts (Nourissat) EUR 11'142.36

(vii) Autres frais en CHF CHF 792.50

(viii) Autres frais en EUR EUR 78.94

TOTAL des montants en CHF CHF 23'424.70

TOTAL des montants en EUR EUR 110'857.06

282.

S'agissant des montants, il convient de les maintenir dans leur monnaie originale, à savoir en francs suisses (CHF) et en euros (EUR), en dépit du fait que la Demanderesse propose, pour chaque montant, sa contre-valeur dans l'autre monnaie.

283.

S'agissant des montants (iii) et (iv) relatifs à des frais et honoraires des Conseils à intervenir, il s'agit de sommes relativement modestes justifiées au regard des étapes encore à venir après le 21 septembre 2021, en particulier celles qui ont eu lieu le 30 septembre 2021 et le 28 octobre 2021. Le Tribunal arbitral considère que de tels frais peuvent être réclamés par une partie, et les admet donc en tant que dépens de la Demanderesse.

284.

Les autres montants (i), (il), (v), (vi), (vii) et (viii) ne requièrent pas de développement particulier. Ils sont justifiés par pièces et le Tribunal arbitral les considère comme raisonnables et justifiés au sens de l'art. 38 let. e du Règlement d'arbitrage.

285.

Par conséquent, additionnant les montants retenus, le Tribunal arbitral arrête les dépens de la Demanderesse à CHF 23'424.70 et à EUR 110'857.06.

c) Montant des frais de l'arbitrage

286.

Les frais de l'arbitrage comprennent les coûts de l'arbitrage ainsi que les dépens des parties.

287.

Par conséquent, on a la situation suivante :

Thème Montant

Coûts de l’arbitrage CHF 127'964.84

Dépens de la Demanderesse CHF 23’424.70 EUR 110’857.06

Dépens de la Défenderesse Inexistants

TOTAL CHF 151'389.54 EUR 110'857.06

d) Répartition des frais de procédure et dépens

288.

Pour répartir les frais de procédure et dépens, le Tribunal arbitral tient compte du sort des conclusions et des circonstances particulières de l’affaire :

(i) S'agissant du sort des conclusions, le Tribunal arbitral est entré en matière sur toutes les conclusions de la Demanderesse. Celle-ci a obtenu gain de cause pour la plupart de ses conclusions (EUR 4'160'000 - sur EUR 4'412’329.21, soit 94,28 % du total des prétentions), sans toutefois obtenir la totalité des montants réclamés notamment en ce qui concerne les frais pour la négociation de la promesse, sa conclusion ainsi que pour la réalisation des audits. Les conclusions de la Demanderesse rejetées par le Tribunal arbitral ont toutefois nécessité une administration des preuves et un traitement juridique légèrement moins complexes que les conclusions rejetées par le Tribunal arbitral.

(ii) Quant aux circonstances particulières, le Tribunal arbitral considère que la Demanderesse n’a pas complexifié, ralenti ou renchéri la procédure de manière particulière, notamment en formulant des requêtes incidentes dénuées de chances de succès. S’agissant de la Défenderesse, son défaut durant toute la procédure et l’absence de déterminations et d’allégués propres n’a pas facilité le traitement de la cause ; toutefois, le Tribunal arbitral est d’avis que ces difficultés sont compensées par l’absence d’allégués et de réquisitions de preuves en provenance de la Défenderesse.

289.

Au vu des circonstances particulières mentionnées et compte tenu du sort des conclusions, le Tribunal arbitral considère appropriée la répartition suivante des frais de procédure et des dépens :

- La Demanderesse a le droit de réclamer à la Défenderesse 95% des frais de procédure et des dépens supportés pour la présente procédure arbitrale.


- La Défenderesse doit supporter la totalité de ses éventuels dépens encourus dans la présente procédure arbitrale.


e) Conclusion

290.

Pour les motifs figurant ci-dessus, le Tribunal arbitral ordonne à la Défenderesse de rembourser les montants suivants à la Demanderesse à titre de frais de l'arbitrage supportés par la Demanderesse dans le cadre de cet arbitrage :

- CHF 143’820.05 (= 95% de CHF 151’389.54) ;


- EUR 105'314.20 (= 95% de EUR 110'857.06).


G. Autres conclusions prises par les Parties

1. Question

291.

Le Tribunal arbitral doit encore trancher les. conclusions de la Demanderesse non encore traitées en tant que telles, à savoir :

- « DIRE et JUGER qu'aucun accord de partenariat n'a été conclu entre la société SPINEWAY et la société STRATEGOS GROUP LLC (avant le 19 septembre 2019) »258 ;


- « Constater et/ou prononcer la résolution de la promesse synallagmatique de vente d'achat du 19 mars 2019, de son avenant n°1 du 3 mai 2019 et de son avenant n°2 du 16 mai 2019, en application de l'article 3.4 de la promesse, laissée inchangée par les deux avenants »259.

2. Position des Parties

292.

La Demanderesse formule ces demandes dans ses conclusions formelles.

293.

La Défenderesse ne s'est pas déterminée à ce sujet dans la procédure.

3. Discussion

294.

Le Tribunal arbitral constate qu'il a dû trancher, sous forme de question préliminaire, tant la première (« DIRE et JUGER qu'aucun accord de partenariat n'a été conclu entre la société SPINEWAY et la société STRATEGOS GROUP LLC (avant le 19 septembre 2019) ») que la seconde (« Constater et/ou prononcer la résolution de la promesse synallagmatique de vente d'achat du 19 mars 2019, de son avenant n°1 du 3 mai 2019 et de son avenant n°2 du 16 mai 2019, en application de l'article 3.4 de la promesse, laissée inchangée par les deux avenants ») des conclusions, afin d'apprécier le bien-fondé des prétentions en paiement de la Demanderesse. Le Tribunal arbitral a admis la prétention de la Demanderesse en restitution du montant de EUR 4'160’000.-, en constatant de manière liminaire le fait qu'aucun Accord de Partenariat commercial au sens de l'art. 3.4 du Contrat n'avait été conclu dans le délai prévu par le Contrat, et en constatant que le Contrat et ses Avenants n° 1 et n° 2 étaient résolus, en application de l'art. 3.4 du Contrat. Pour ces raisons, le Tribunal arbitral considère qu'il n'est pas nécessaire de faire figurer le résultat de son raisonnement dans le dispositif de la sentence arbitrale.

VII. Dispositif

[295].

Sur la base des considérants qui précèdent, le Tribunal arbitral :

1. Condamne la société STRATEGOS GROUP LLC à verser à la société SPINEWAY SA la somme en principal de EUR 4'160'000.- (quatre millions cent soixante mille euros), outre intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2019 ;

2. Donne acte à la société SPINEWAY SA qu'elle s'engage à signer les ordres de mouvements de titres afin de restituer à la société STRATEGOS GROUP LLC l'intégralité des parts A et des parts B du fonds Integral Medical Solutions Fund, et ce dans un délai d'un mois après avoir reçu l'intégralité de la somme de EUR 4'160'000.- (quatre millions cent soixante mille euros), outre intérêts au taux légal ;

3. Arrête les coûts de l'arbitrage à CHF 127'964.84 (cent vingt-sept mille neuf cent soixante-quatre francs suisses et quatre-vingt-quatre centimes), prélevés sur les avances de frais effectuées par les Parties ;

4. Arrête les dépens de SPINEWAY SA à CHF 23'424.70 (vingt-trois mille quatre cent vingt-quatre francs suisses et soixante-dix centimes) et EUR 110'857.06 (cent dix mille huit cent cinquante-sept euros et six centimes) ;

5. Condamne STRATEGOS GROUP LLC à rembourser à SPINEWAY SA les montants suivants au titre des frais d'arbitrage :

- CHF 143'820.05 (cent quarante-trois mille huit cent vingt francs suisses et cinq centimes) ;


- EUR 105'314.20 (cent cinq mille trois cent quatorze euros et vingt centimes) ;

6. Rejette toutes autres conclusions des Parties dans la mesure où elles sont recevables.

Siège de l'arbitrage : Genève, Suisse, le 20 janvier 2022

Ce document a été attribué dans le cadre du partenariat exclusif IBA x Jus Mundi pour l'arbitrage commercial.

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